Lire la chronique d' Amid Faljaoui
L’impôt mondial minimum et le corbillard des illusions
Venise, c’est plus seulement la ville des amoureux, c’est désormais aussi la ville des grandes décisions fiscales. C’est en effet durant ce weekend à Venise que les ministres des finances du G20 (c’est-à-dire les 20 pays les plus importants au monde) ont confirmé leur volonté d’instaurer un impôt minimum de 15% au niveau mondial. Avant la pandémie, un tel impôt minimum aurait été impensable !
C’est l’un des rares avantages de ce virus, c’est qu’il a vidé les caisses des Etats, y compris aux Etats-Unis, et tous les gouvernements cherchent l’argent où il se trouve. En l’occurrence, l’argent, il se trouve surtout dans les paradis fiscaux ! Joe Biden le sait bien, une étude montre que sur les dix principaux lieux de location des bénéfices des multinationales américaines en 2018, sept sur dix étaient des paradis fiscaux. Une ile comme les Bermudes captait par exemple 10% de tous les bénéfices réalisés à l’étranger par les multinationales américaines.
Bref, vous l’avez compris, s’il y a bientôt un impôt minimum sur les sociétés, c’est grâce au virus et au fait que Joe Biden a imposé cet impôt. Pas par altruisme, mais par nécessité, le président américain est exactement dans la même situation que les autres gouvernements, il a besoin d’argent pour financer ses plans de relance. La seule différence, c’est que lui peut imposer son agenda aux autres pays. Avec courtoisie, avec un ton plus policé que Donald Trump, mais il obtient ce qu’il veut. La preuve, les Européens voulaient, en dépit de cet impôt minimum, taxer spécifiquement les GAFA, c’est-à-dire les Google, Apple, Facebook et autre Amazon, mais Joe Biden s’est montré ferme et a dit “non”. Trump avait dit la même chose en menaçant même l’Europe de représailles sous forme de taxes douanières… Avec Biden, c’est plus poli comme échange, mais la menace des taxes douanières reste au-dessus de nos têtes.
Ce que je veux dire par là, c’est que Joe Biden est plus présentable que Donald Trump, mais il est d’abord là pour défendre les intérêts de son pays. Gare donc à ne pas tomber dans une forme de naïveté coupable. C’est normal, Joe Biden sait que les GAFA ne paient pas assez d’impôts, mais ce sont aussi des fleurons industriels américains et vouloir les massacrer n’aboutirait qu’à renforcer les entreprises chinoises qui sont aujourd’hui les seules à concurrencer les géants de la technologie américaine.
Mais à force de se focaliser sur ces géants du web, on en oublierait aussi que l’an dernier 55 des plus grandes entreprises américaines, dont Nike et FedEx, n’avaient payé aucun impôt sur les sociétés alors qu’elles ont globalement réalisé 40 milliards de dollars de bénéfices. Au final, ce n’est pas la Belgique qui va se plaindre de cet impôt minimum puisqu’il devrait lui rapporter 10 milliards d’euros. Enfin, cela, c’est un calcul sur tableau Excel, la réalité, elle, comme vous le savez, c’est le corbillard des illusions.
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