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L’impact desastreux des Panama Papers
Après l’OffshoreLeaks (2013), le LuxLeaks (2014), le SwissLeaks (2015), voici une nouvelle fuite dans la tuyauterie financière : le Panama Papers.
Sur papier, cette fuite est 10 fois plus importante que l’OffshoreLeaks. En effet, Panama Papers pèse 2.600 gigaoctets de données qui concernent 215.000 structures offshore mises sur pied entre 1977 et 2015 par le cabinet juridique Mossack Fonseca.
Le dossier suscite trois réflexions.
Primo : visiblement, les lanceurs d’alertes sont plus efficaces que l’administration fiscale pour débusquer des informations intéressantes. Une partie de ce fichier panaméen avait d’ailleurs déjà été vendu en 2013, notamment au fisc allemand. Des noms de fortunes belges avaient déjà été évoqués et reviennent aujourd’hui…
Des chiffres quant à l’importance de la fraude fiscale internationale existent. Gabriel Zucman – aujourd’hui professeur à Berkeley – que nous avions interrogé l’an dernier estime que sur un patrimoine mondial qui doit avoisiner les 100.000 milliards de dollars, environ 8 % seraient détenus dans des places offshore, dont un tiers environ en Suisse. Certes, ce n’est pas parce que l’on dispose d’une société exotique que l’on est fraudeur. On peut monter ce type de structures pour abriter des activités très internationales, pour profiter de législation spécifique (on songe au pavillon panaméen), … Mais il ne faut pas être trop naïf : une grande partie (estimée à 80%) de ces structures exotiques est destinée à occulter un patrimoine aux yeux du fisc.
Visiblement, les lanceurs d’alertes sont plus efficaces que l’administration fiscale pour débusquer des informations intéressantes.
Si l’on estime à 70 milliards de dollars environ les avoirs belges détenus en Suisse, les avoirs belges logés dans l’ensemble des paradis fiscaux atteindraient donc 200 milliards. Si 80 % de ces montants sont non déclarés et si cet argent génère un rendement de 7 à 8 % par an, le manque à gagner sur le seul précompte (on ne parle même pas des amendes ou des droits de succession) est de 3 milliards par an. De quoi équilibrer le tax shift et rénover les tunnels !
Secundo : Panama Papers amène donc à s’interroger sur la lutte contre la fraude fiscale. Un combat efficace passe par deux étapes incontournables. La première est, sinon la constitution quelque peu utopique d’un cadastre mondial des fortunes, au moins une plus grande traçabilité des revenus. Cela suppose une transparence comptable au niveau des Etats sur les patrimoines qui sont abrités chez eux et l’abolition des trusts, des sociétés écrans, des fondations bidon… Ces structures permettent encore aujourd’hui de cacher les noms des bénéficiaires finaux.
La seconde étape est la nécessité de bâtir un arsenal de sanctions et des contrôles efficaces. Panama, par exemple, est un pays qui jure, la main sur le coeur, vouloir participer à l’échange d’informations dans les règles fixées par l’OCDE. Mais il n’a pas aboli les titres au porteur et n’oblige pas ses sociétés à remettre des comptes annuels complets. A quoi sert donc d’échanger des informations si elles sont tronquées ou… inexistantes ?
Tertio : Panama Papers aura un impact politique majeur. Que des chefs d’Etat, des hauts fonctionnaires et des grandes fortunes fréquentent les mêmes canaux permettant de dissimuler de l’argent donne une image désastreuse de la gouvernance mondiale. Certes, depuis 2009, des progrès importants ont été actés : les pays développés ont adopté les nouvelles règles de l’OCDE en matière d’échange d’informations et sont en passe de le faire dans le domaine de la fiscalité des entreprises multinationales. Mais ces progrès ne suffisent pas encore, aujourd’hui, à créer un système juste et efficace de collecte d’impôts. Cela se traduit d’ailleurs chez nous par la nécessité de pratiquer des DLU, dont la dernière édition vient de sortir et mérite l’analyse (lire notre dossier de couverture). On peut le déplorer. Mais un patrimoine amnistié réintègre au moins le circuit fiscal, ce qui est déjà une bonne chose.
Panama Papers
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