“L’Europe se fait doublement coloniser”… mais a les cartes en main pour se défendre

L'Europe, "colonisée" par les États-Unis et la Chine. Le dollar, l'Europe, le yuan, image d'illustration. © Getty Images
Charly Pohu

Le président de Bpifrance, Banque publique d’investissement française, tire la sonnette d’alarme : les Européens n’investissent pas assez en Europe, et le Vieux continent s’en retrouve “colonisé” par la Chine et les Etats-Unis.

Un pavé dans la mare. Mais les termes choisis sont forts. “Je suis désolé d’avoir une vision radicale, mais nous sommes doublement colonisés : colonisés industriellement par la Chine, colonisés numériquement par les États-Unis.” C’est par ces mots que s’est exprimé Nicolas Dufourcq, président de Bpifrance, la Banque publique d’investissement française, lors de la conférence du capital privé IPEM à la fin de la semaine passée. “Ce n’est pas une question d’avenir ; les conséquences sont déjà là”, martèle-t-il.

Pour l’industrie, les marques chinoises s’imposent dans le paysage du véhicule électrique. Des années de délocalisation ont vu les capacités de production de toutes sortes de produits être déplacées vers la Chine. La majorité des panneaux solaires achetés en Europe sont chinois. Et les entreprises chinoises rachètent (ou tentent de racheter) des grands noms de l’économie européenne, comme l’a montré la saga du port de Hambourg il y a un peu plus de deux ans. La majorité de la tech utilisée en Europe est en effet américaine, à quelques exceptions près, peut-on ajouter comme exemples au propos.

Investissements européens

Et pour ne pas arranger les choses, il y a les investissements européens. Qui ne vont pas aux entreprises européennes… mais partent en dehors du continent. Les Européens n’investissent ainsi pas dans les secteurs cruciaux pour l’avenir du bloc. “L’épargne européenne, lorsqu’elle est investie dans des actifs à risque, est transférée vers les États-Unis”, et notamment dans la tech américaine, étaye Nicolas Dufourcq. Et quand ils investissent en Europe, ils dirigent plutôt leur argent vers des actifs vus comme plus sûrs, comme l’immobilier.

Mais ces entreprises européennes ont aussi besoin de fonds. “Nous avons désespérément besoin de capitaux privés pour financer les technologies de pointe, qui sont l’avenir de l’Europe”, continue Le président de Bpifrance. Il donne l’exemple de la startup d’informatique quantique Quandela, qui a développé une puce réputée plus performante que celle des rivaux américains. Elle a des difficultés à lever des fonds, malgré le boom actuel autour de la tech, des puces et de l’IA. L’entreprise pu lever près de 62 millions d’euros au cours de son histoire. Bpifrance, qui possède des actifs d’une valeur de 100 milliards d’euros, y a déjà investi à trois reprises.

L’homme parle d’un “échec”, qu’il attribue à plusieurs facteurs. Il y a notamment l’aversion au risque des Européens, plus importante qu’aux États-Unis, où les investisseurs estiment que c’est leur devoir d’investir dans les start-ups de la Silicon Valley, et d’ainsi perpétuer la dominance américaine. Mais ces investissements sont aussi la clé pour sortir l’Europe de l’ornière : Nicolas Dufourcq appelle donc à un sursaut et à un changement d’esprit : “Nous devons renforcer l’agressivité de notre allocation de capitaux en Europe afin de servir nos propres intérêts.”

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