Pour Bart De Wever, l’Europe est un continent usé et il rêve d’une union intime avec les Pays-Bas et le Luxembourg.
Le Premier ministre belge Bart De Wever était l’invité d’honneur de la prestigieuse conférence annuelle HJ Schoo, organisée par l’hebdomadaire EW, qui marque traditionnellement l’ouverture de l’année politique aux Pays-Bas. Et ce jeudi 4 septembre à Amsterdam, il n’a pas hésité à offrir à l’auditoire sa vision crue de l’avenir européen.
L’Europe, ce continent usé
Pour lui, l’Union européenne n’est rien d’autre qu’« un continent usé », miné par la complaisance et le manque d’ambition. « L’Europe a été bercée dans une torpeur ces dernières décennies. Et aujourd’hui, elle est brutalement réveillée », a-t-il ainsi lancé devant une salle comble. « L’Europe postmoderne est devenue hypersensible et moralement prétentieuse. Le monde n’est pas une classe de maternelle. »
Pas complètement défaitiste, Bart De Wever signale tout de même que l’Europe peut renaître de ses cendres en remettant la prospérité au centre. « L’Europe doit redresser la tête. Et pour cela, il faut briser les tabous. Le cap doit changer. »
Un double cap
Et pour ce faire, il prône un double cap : une reprise en main de la migration et une véritable intégration du marché unique.
Sur le premier volet, il rappelle que « neuf États membres de l’UE ont déjà rétabli des contrôles aux frontières, soit un tiers de l’Union ». Il plaide dès lors pour un modèle inspiré de l’Australie : « Ceux qui pénètrent illégalement dans l’UE ne doivent jamais obtenir la citoyenneté. L’Europe ne peut devenir leur foyer. Cela brisera le modèle économique des passeurs. »
En parallèle, il se dit favorable à une immigration légale ciblée, « une migration qui renforce notre marché du travail ». « Un nouveau modèle migratoire offrira de meilleures perspectives aux nouveaux arrivants, dont les talents et l’expérience contribueront davantage à notre prospérité », a-t-il affirmé. Une position qu’il présente comme une troisième voie, à égale distance de « l’ouverture totale des frontières » et du « nationalisme ethnique exclusif ».
Une guerre commerciale contre nous-mêmes
Pour Bart De Wever, le véritable potentiel de croissance de l’Europe réside dans un approfondissement du marché unique. Les droits de douane de 15 % imposés par Donald Trump sur les exportations européennes ne seraient qu’un « détail » comparé aux barrières internes que les États membres s’infligent encore. D’après une étude récente du FMI, ces entraves équivalent à 44 % de droits pour les biens et atteignent même 110 % pour les services.
Le Premier ministre belge estime qu’une levée de ces obstacles pourrait libérer jusqu’à 1.700 milliards d’euros de prospérité supplémentaire. « Nous menons une guerre commerciale contre nous-mêmes », a-t-il fustigé, appelant à faire du marché unique « un instrument de puissance et de compétitivité » face aux grandes économies mondiales.
Masochisme vert
« Notre marché intérieur est notre principale destination commerciale », a-t-il déclaré. C’est pourquoi De Wever souhaite une intégration plus poussée du marché des capitaux ainsi que du « marché des services », notamment dans des secteurs comme la téléphonie et l’énergie, selon le Brabants Dagblad. Il a également appelé à renforcer l’autonomie stratégique européenne, en particulier dans la défense et l’accès aux ressources. « Le masochisme vert est un obstacle à l’exploitation des terres rares », a-t-il critiqué.
La coopération renforcée du Benelux n’est pas une nostalgie mais une nécessité politique
Pour De Wever, la clé se trouve dans une relance du Benelux. Il ne cache pas que, selon lui, « la scission des Pays-Bas lors de la Guerre de Quatre-Vingts Ans est la plus grande catastrophe qui nous soit jamais arrivée » et ajoute qu’une « coopération renforcée entre les Pays-Bas historiques – l’actuel Benelux – n’est pas pour moi un rêve romantique ni une pensée nostalgique, mais un objectif politique nécessaire pour notre avenir. »
Toujours selon lui, une collaboration intime est indispensable : « Pour protéger la prospérité de nos Pays-Bas historiques. Pour accroître notre pouvoir et notre influence au sein de l’Europe. Et pour utiliser ce pouvoir et cette influence afin de renforcer les forces de paix et de liberté dans le monde », précise EW. Le Benelux pourrait devenir le « cœur battant » de l’Union européenne, en tant que place commerciale mondiale.
Faire de l’article 350 un véritable slogan
Il a à ce titre fait référence à l’article 350 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui offre au Benelux la possibilité d’aller plus loin dans l’intégration que le reste de l’UE. « Les potentialités sont si grandes et si cruciales que nous devrions faire de “l’article 350” un véritable slogan », a-t-il affirmé, selon De Telegraaf. « En matière de migration, de marché intérieur et d’autonomie stratégique, nos intérêts sont si étroitement liés qu’il serait négligent de ne pas en tirer parti. »
Mais, et ce n’est malheureusement pas un détail, pour qu’un mariage soit heureux, il faut que les autres parties montrent un minimum d’enthousiasme. Ce qui, pour l’instant, ne saute pas aux yeux. Et comme le font remarquer certains commentateurs néerlandais dans EW, le discours de De Wever contient un autre message implicite pour l’électeur et les responsables politiques néerlandais : assurez la stabilité à La Haye, sinon les Belges risquent d’en tirer parti.