“Les réseaux sociaux ne sont pas prêts pour le tsunami électoral de 2024”

Avec la saison électorale américaine qui approche, et un probable déluge de désinformation en ligne, la tendance récente des grandes plateformes à rendre leur modération des contenus moins sévère inquiète les associations.

“Les réseaux sociaux ne sont pas prêts pour le tsunami électoral de 2024”, a déclaré l’ONG Global Coalition for Tech Justice dans un rapport publié ce mois-ci. Les chercheurs notent que plus de 50 élections majeures vont avoir lieu dans le monde l’année prochaine, aux États-Unis, mais aussi en Inde, en Afrique et dans l’Union européenne. “Pendant que les entreprises continuent à compter leurs profits, nos démocraties restent vulnérables aux tentatives de coup d’État violent, aux discours haineux et à l’ingérence électorale”, écrivent-ils.

Entre la situation économique défavorable, marquée par une inflation hors norme et des plans sociaux, et un climat politique hostile, les géants numériques américains font preuve d’une certaine lassitude à l’idée d’être les shérifs du Far West de l’internet.

En juin, YouTube (Google) a déclaré qu’il cesserait de supprimer les contenus qui prétendent à tort que l’élection présidentielle américaine de 2020 a été entachée de “fraudes, d’erreurs ou de pépins”. Cette annonce s’écarte nettement de la politique mise en place en décembre 2020, qui visait à mettre un terme aux rumeurs erronées selon lesquelles l’élection de cette année-là avait été volée au président de l’époque, Donald Trump. YouTube a justifié son action en déclarant que la suppression de ces propos pouvait avoir “pour conséquence involontaire de restreindre le discours politique”.

“Recul significatif”

Sous la houlette d’Elon Musk, X (ex-Twitter) a de son côté largement assoupli la modération des contenus, malgré la fuite des annonceurs. Le réseau social a surtout laissé revenir de nombreuses personnalités auparavant bannies pour avoir enfreint les règles de la plateforme sur la désinformation et l’incitation à la violence, notamment Donald Trump. Le mois dernier, il a en outre décidé d’autoriser les publicités politiques payantes des candidats et des partis politiques américains.

“Le contrôle de Musk sur Twitter, maintenant X, a contribué à ouvrir une nouvelle ère d’insouciance de la part des grandes plateformes technologiques“, estime Nora Benavidez, de l’ONG Free Press. “Nous observons un recul significatif des mesures concrètes que les entreprises avaient mises en place”.

Les entreprises subissent également la pression de nombreux conservateurs américains, qui les accusent d’être de connivence avec le gouvernement pour censurer ou supprimer les contenus de droite sous couvert de vérification des faits. “Elles pensent qu’en continuant à apaiser les républicains, ils cesseront de leur causer des problèmes, alors qu’elles ne font qu’accroître leur vulnérabilité”, considère Berin Szóka, président de TechFreedom, un groupe de réflexion.

Pendant des années, l’algorithme de Facebook a automatiquement relégué en bas de page les articles signalés comme faux ou trompeurs par l’un des partenaires extérieurs de la plateforme chargés de la vérification des faits, dont l’AFP. Mais le réseau social a récemment donné aux utilisateurs américains plus de pouvoir sur l’algorithme, pour choisir quels contenus ils veulent voir en priorité.

Hyperpolarisation

“Les plateformes n’ont commencé à prendre ces risques (de désinformation) au sérieux qu’après l’élection de 2016”, a écrit Yoel Roth, ancien haut responsable de Twitter, dans une tribune publiée dans les médias américains la semaine dernière. “Aujourd’hui, face à la perspective d’attaques disproportionnées contre leurs employés, elles semblent de plus en plus réticentes à prendre des décisions controversées, laissant la désinformation et les abus s’envenimer (…)”.

La question de la modération des contenus est devenue brûlante du fait de l’hyperpolarisation de la politique aux États-Unis. Au début du mois, la Cour suprême des États-Unis a temporairement suspendu une ordonnance limitant la capacité du gouvernement à contacter les entreprises de médias sociaux pour qu’elles suppriment les contenus qu’il considère comme de la désinformation. Une juridiction inférieure avait rendu cette décision, estimant que les fonctionnaires américains étaient allés trop loin.

Les chercheurs en désinformation ne sont pas épargnés par l’obsession de certaines personnalités de la droite américaine vis-à-vis de la modération des contenus. Des institutions réputées telles que l’Observatoire de l’Internet de Stanford font face à une enquête du Congrès menée par les républicains ainsi qu’à des poursuites de la part de militants conservateurs qui les accusent de promouvoir la censure, une accusation qu’ils réfutent.

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