En ce moment, c’est le grand déballage au niveau politique en Belgique, notamment du côté de Liège. Et ce grand exercice de transparence – certains parlent plutôt de voyeurisme – porte sur le fait de savoir si certains hommes politiques méritent ou non leurs émoluments.
La question a même fait boomerang au-delà de la ville de Liège. Au point de mettre mal à l’aise une bonne partie de notre personnel politique, y compris la grande majorité qui n’a rien à se reprocher. À chaque fois qu’un salaire ou un mandat rémunéré est jeté en pâture au public par la presse, la même question revient sans cesse: est-ce que ce salaire ou ce mandat est mérité ? Ce qui revient à poser en filigrane la question de la vraie valeur d’un homme politique ?
En fait, c’est l’occasion de rappeler, comme l’ont fait nos confrères du Temps en Suisse, que la même question peut se poser pour quelqu’un actif dans le privé. Si nous écoutons notre PDG ou simplement notre chef de service, il est clair que nous sommes la ressource la plus importante de l’entreprise. Ne dit-on pas que nous formons le capital humain ? Généralement les collaborateurs haussent les épaules lorsqu’ils entendent ce genre de discours, car ils savent qu’à la moindre tempête, à la moindre bourrasque, c’est ce capital humain tant vanté qui valse à la porte.
À la moindre tempête, à la moindre bourrasque, c’est le capital humain tant vanté qui valse à la porte
Le capital humain est en réalité devenu une variable d’ajustement. D’ailleurs, dans le bilan d’une entreprise, ce fameux capital humain figure parmi les coûts et pas dans la rubrique investissement ! Comme l’a bien écrit Le Temps, si une entreprise a 100 personnes, peu importe que ces 100 personnes soient des génies ou des cloches, elles sont comptabilisées de la même manière, donc comme des coûts ! Pourquoi ? Principalement pour des raisons historiques. Le capital humain a l’inconvénient d’être mobile, d’entrer et de sortir de l’entreprise. Il risque même de ne jamais revenir. C’est cette incertitude qui explique qu’historiquement nous sommes payés à la fin du mois, après le premier exercice. En fait, c’est pour être sûr que l’on revienne ! Et puis, la seconde raison, c’est que nous sommes des êtres libres, pas des machines, et donc nous ne pouvons pas être comptabilisés comme un simple actif du genre machine-outil ou immeuble. Voilà pourquoi nous sommes considérés comme des coûts.
Mais il n’y a pas que la comptabilité qui ne rend pas honneur à notre véritable valeur, c’est aussi le cas de la Bourse, précisent nos confrères du Temps. Il suffit de regarder la valeur de Google et de Facebook. Voilà des entreprises qui emploient peu de personnes, mais qui sont fortement valorisées en Bourse par rapport à une firme comme General Motors qui, elle, emploie 215.000 personnes ! Pire encore, quand une entreprise cotée en Bourse licencie du personnel, son cours augmente bien souvent car les investisseurs estiment qu’elle réduit ses coûts et donc l’action grimpe. Ce qui dans l’absolu est absurde, puisque la Bourse se félicite en quelque sorte de la destruction de la compétence et du savoir-faire en interne.
C’est absurde, sauf à estimer que nous sommes tous inutiles au sein de l’entreprise. Et c’est la question qu’il faut se poser aujourd’hui pour les politiques belges: ne sont-ils pas pris dans la même bourrasque aveugle et injuste pour certains d’entre eux, à la différence près que la Bourse est remplacée par les sondages et le jugement du public ? Voilà un bon sujet de débat pour le week-end.