Les eurodéputés valident la réforme des règles budgétaires de l’UE : “Une camisole de force”
Les eurodéputés, réunis en session plénière à Strasbourg, ont voté mardi la réforme des règles budgétaires de l’UE censée garantir le redressement des finances publiques des Etats membres tout en préservant les investissements.
Le texte, âprement négocié pendant plus de deux ans, est considéré par des élus de gauche comme un outil installant l’austérité en Europe. Mais il a obtenu un large soutien des trois principaux groupes politiques : conservateurs du PPE, sociaux-démocrates (S&D) et libéraux (Renew).
Les nouvelles règles sont “plus flexibles, plus crédibles dans leur mise en œuvre”, elles “permettront une réduction progressive des dettes publiques sans compromettre la croissance”, a affirmé le commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni, au cours d’un débat juste avant le vote.
Un accord sur cette réforme avait été trouvé le 10 février entre les négociateurs des eurodéputés et ceux des Etats membres. Le texte sera appliqué dès cette année par les ministres des Finances des Vingt-Sept pour préparer leurs budgets 2025.
La réforme vise à moderniser le Pacte de stabilité, créé à la fin des années 1990 et qui limite pour chaque pays le déficit des administrations publiques à 3% du PIB et la dette à 60%. Jugé trop strict, ce cadre n’a jamais vraiment été respecté et était jugé obsolète.
Tout en confirmant ces ratios emblématiques, le nouveau texte rend un peu plus flexible l’ajustement réclamé aux pays de l’UE en cas de déficits excessifs, s’ils consentent à des investissements et à des réformes structurelles. Surtout, l’effort sera adapté à leur situation individuelle.
Concrètement, il prévoit que les Etats présentent des trajectoires sur quatre ou sept ans afin d’assurer la soutenabilité de leur dette. Le pilotage portera sur l’évolution des dépenses, un indicateur jugé plus pertinent que les déficits qui peuvent fluctuer en fonction du niveau de la croissance économique.
“Un retour à la responsabilité budgétaire”
Mais l’Allemagne et ses alliés “frugaux” ont obtenu un effort minimum chiffré de réduction de la dette et des déficits pour tous les pays en déficits excessifs, malgré les réticences de la France et de l’Italie.
Ces modifications en vue d’un durcissement ont en partie dénaturé et grandement complexifié le texte.
Les ministres des Finances de l’UE avaient accouché dans la douleur d’une position commune, juste avant Noël, sur cette réforme qui entend associer sérieux budgétaire et sauvegarde des investissements nécessaires à la transition verte ou à la défense.
Elle est le fruit d’un équilibre entre la position des pays endettés du sud de l’Europe, à l’instar de la France, qui insistaient sur des flexibilités supplémentaires, et des pays dits “frugaux” du nord de l’Europe, derrière l’Allemagne, qui réclamaient plus de rigueur.
“Cette réforme constitue à la fois un nouveau départ et un retour à la responsabilité budgétaire. Les anciennes règles présentaient de nombreuses faiblesses et lacunes, elles souffraient d’une mise en œuvre quasi-inexistante”, s’est félicité l’eurodéputé conservateur allemand Markus Ferber.
“Nous avons sécurisé une forte empreinte sociale dans les nouvelles règles”, a affirmé l’eurodéputée socialiste portugaise Margarida Marques, corapporteure du texte.
“Le retour à l’austérité”
Les Verts et certains élus S&D le rejettent cependant en bloc, tout comme la gauche radicale. Ils dénoncent un retour de l’austérité qui freinera l’investissement et profitera aux populistes, après trois années de suspension des règles budgétaires européennes face au double choc de la pandémie et de la guerre en Ukraine.
Les nouvelles règles “injustes et mortifères” vont “imposer une camisole de force à tous les Etats européens” et “créer les conditions de l’impuissance politique”, a averti l’eurodéputé écologiste belge Philippe Lamberts.
Cet accord “exigera des Etats membres qu’ils réduisent leur dette rapidement et d’une manière qui n’est pas soutenable économiquement et socialement : cela marquera un retour à l’austérité”, avaient jugé lundi des syndicats belges, français, italiens et espagnols, dans une lettre ouverte.
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