La Flandre a bouclé son budget, mais certains analystes dénoncent des artifices. La Fédération Wallonie-Bruxelles prépare une épure déjà fortement critiquée par des experts, alors que la catastrophe menace. Bruxelles s’active enfin, mais le couperet des agences de notation va tomber. La Wallonie et le fédéral ne sont pas mieux lotis. Allô, l’urgence?
La Flandre a confectionné son budget avant tout le monde. “Mais personne ne met en avant le fait qu’ils ont mis la poussière sous le tapis“, nous disait cette semaine un responsable politique francophone.
Voilà qui est fait. “Face au mur budgétaire, la Flandre préfère contourner l’obstacle“, écrit Jasper D’Hoore, journaliste au Tijd, dans le traditionnel Canal Nord-Sud de L’Echo.
Un effort budgétaire de 1,5 milliard d’euros est prévu à l’horizon 2027. Un retour à l’équilibre serait même envisageable. Mais… “Sur les 1,5 milliard d’effort budgétaire, au moins un tiers provient de dépenses repoussées d’un à deux ans ou de recettes avancées d’un an, constate le chroniqueur. Pratique pour le budget 2026, certes, mais sans effet durable sur la santé structurelle des finances publiques.”
Wallonie-Bruxelles: attention, danger!
Ce cosmétisme est habituel dans les épures budgétaires, tant il s’agit d’éviter les sacrifices trop douloureux et les messages impopulaires pour la population.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, le sujet est d’autant plus délicat que ce niveau de pouvoir est littéralement dans une situation délicate avec un déficit de 1,2 milliard sur un budget de 15 milliards. Et qu’il n’y a pas de recettes fiscales propres tandis que les dépenses concernent surtout les salaires.
Le gouvernement dirigé par Elisabeth Degryse (Les Engagés) prévoit un exercice visant à réduire le déficit de quelque 300 millions d’euros. Insuffisant! Un Comité d’experts réunissant des sommités, qui a travaillé tout l’été, “insiste sur la nécessité d’accélérer le rythme des économies à réaliser, d’autant plus que l’effort récurrent visé par le gouvernement est insuffisant pour assurer la soutenabilité financière de la FWB à long terme”.
Selon nos informations, certains membres de ce Comité sont tout simplement catastrophés. “C’est de la folie pure“, entend-on.
Le rapport des experts évoque déjà la nécessité de toucher à la rémunération des enseignants (du moins le lien automatique entre diplôme et barème), d’augmenter les horaires ou d’augmenter le minerval dans le supérieur. Cela ferait mal, évidemment.
Frédéric Panier: “Le courage, une vertu”
Frédéric Panier, CEO d’Akt for Wallonia, invite à agir: “Le courage est une vertu rare, mais qui élève le monde politique, écrit-il sur LinkedIn. Or, le courage aujourd’hui, c’est de reconnaitre qu’avec un déficit d’1,5 milliard sur un budget total d’environ 15 milliards, la situation budgétaire de la FWB n’est plus tenable.
Le courage aujourd’hui, c’est aussi analyser – avec humanité mais aussi sans œillères – les options disponibles pour remettre la Fédération sur une trajectoire soutenable.”
Il prolonge: “Hier, un groupe d’expert – mandaté par la Ministre Présidente de la Fédération – a eu ce courage. Leur rapport, factuel et rigoureux, passe en revue les pistes les plus justes (et les plus efficaces) pour réduire le déficit. Aucune option n’est séduisante ; personne ne les défendra avec gaieté de coeur. Mais nous n’avons plus le choix : le courage, c’est désormais de regarder la réalité en face et d’agir. Ce rapport nous donne une vision d’ensemble des solutions possibles. Aux responsables politiques, maintenant, de trancher dans l’intérêt collectif.”
Bruxelles: le couperet annoncé
En Région bruxelloise, on serait sorti du “cirque politique” pour se consacrer enfin à la tâche budgétaire, sans qu’il y ait pour autant un gouvernement.
Six partis sont autour de la table, le CD&V ayant été écarté. L’objectif consiste à réduire le déficit de la Région bruxelloise d’un milliard à l’horizon 2029. “Il y aura des choix pas simples à faire car c’est la survie de la Région bruxelloise qui se joue”, a déjà prévenu le président du MR, Georges-Louis Bouchez.
Pour autant des exclusives ont déjà été posées par le PS: “Faire des centaines de millions d’économies la première année n’aurait pas de sens” et “pas question de saigner les ménages et les entreprises”.
Si un sursaut bruxellois a lieu, c’est bien sous la menace: plusieurs agences de notation qui doivent rendre leur verdict en ce mois d’octobre. Des dégradations sont possibles. Seule la pression force le monde politique à agir.
Wallonie et fédéral: douleurs et gouffres
En Région wallonne, l’enjeu sera particulièrement douloureux, ce sera “l’année de vérité”, a déjà prévenu le MR Pierre-Yves Jeholet, ministre de l’Economie.
Sur la table, on évoque une diminution des allocations familiales ou une baisse de l’aide aux communes, avec des tensions entre alliés MR et Engagés. Une certitude: ce sera moins “digeste” que la première épure de la coalition Azur.
Quant au fédéral, le couperet du Comité de monitoring est tombé avec une ardoise revue à la hausse. Le déficit budgétaire de l’Entité I sera légèrement plus élevé qu’attendu précédemment, à 4,2% du PIB pour 2025. Cela correspond à un “trou” de 26,6 milliards d’euros dans les comptes du pouvoir fédéral et de la sécurité sociale, alors que le Comité de monitoring avait estimé ce même déficit à 26,2 milliards soit 4,1% du PIB en juillet dernier.
La cheffe de groupe Open Vld Alexia Bertrand, ancienne secrétaire d’Etat au Budget, souligne que ce sont surtout les emprunts que l’État est forcé d’effectuer pour boucler son budget fédéral 2025, le “pire en 25 ans, hors année Covid-19”, qui pèsent lourdement. Il s’agit d’un déficit “boulimique” fustige l’opposition, qui tire aussi à boulets rouges sur l’impact de la réforme fiscale.
D’ici le 14 octobre, Bart De Wever devra trouver une façon de concilier les partis de sa coalition, sans… mettre trop de poussière sous le tapis. Une spécialité belge.
Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.