Les cabinets pillent “gratuitement” l’administration
Un audit de la Cour des comptes indique que 56% du personnel des cabinets ministériels wallons sont des fonctionnaires détachés gracieusement par leur administration.
Comment réduire les frais de personnel des cabinets ministériels sans trop toucher aux effectifs ? En faisant payer la facture par d’autres, évidemment. La pratique des agents “détachés à titre gratuit” est connue de longue date en Belgique et elle est même carrément devenue majoritaire en Wallonie. Ils représentent en effet 56% de l’effectif total (393 ETP) des équipes des huit ministres du gouvernement wallon, selon un audit effectué par la Cour des comptes. “L’augmentation du nombre d’agents détachés à titre gratuit, déjà constatée en 2015 (elle représentait alors 50% des effectifs), se poursuit, note la Cour. Selon les cabinets, le pourcentage de personnel détaché à titre gratuit fluctue entre 38 et 66 % de leur effectif respectif.” Quelquefois, les agents sont détachés contre remboursement. Si on les intègre dans le calcul, on atteint la proportion de 63% de fonctionnaires dans les effectifs des cabinets ministériels wallons.
Ces agents proviennent du Service public de Wallonie et des unités d’administration publique (Forem, Crac, Aviq etc), ainsi que d’autres entités fédérée. Ces instances se voient ainsi privées de l’équivalent de 219 ETP, la plupart du temps sans avoir les moyens de les remplacer en raison de la limitation des dépenses des administrations, limitation décidée par… les cabinets ministériels ! L’audit relève par ailleurs la mise à disposition de cinq agents par des employeurs du secteur associatif. Cela peut poser des questions de conflits d’intérêt, d’autant que cela concerne des fonctions de chef de cabinet et de chef de cabinet adjoint.
La Cour des comptes a estimé le coût de ces détachements “à titre gratuit” à 14,8 millions d’euros en base annuelle, montant qui n’apparaît nulle part dans aucun budget régional. Selon elle, il faut inclure ce montant pour connaître “la charge réelle du fonctionnement des cabinets ministériels” wallons qui s’élèverait dès lors à 37 millions d’euros en 2021 (dont 33,9 millions d’euros pour les seules dépenses de personnel).
Quand on parle de gratuité, ce n’est pas tout à fait exact. Les agents concernés continuent certes à recevoir un salaire provenant de leur administration mais on y ajoute une “prime de cabinet”, bien reprise elle dans les budgets, qui oscille entre 2.300 et 8.500 euros par an.
La méthode est tellement pratique qu’on la réplique volontiers pour la constitution des différentes instances mises en place par le gouvernement comme la lutte comme le commissariat spécial à la reconstruction, la cellule-covid et même le secrétariat du gouvernement. Il y a là 18 détachés “gratuits” pour un total de 54 ETP. Notez toutefois que ce sport se pratique aussi au niveau fédéral (un tiers des effectifs, selon un audit de la Cour des comptes qui remonte à… 2007) et communautaire. Les détachés à titre gratuit y représentent 39% des 277 ETP des cabinets des cinq ministres de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
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