Les bons stocks de gaz en Europe ne garantissent pas un hiver sans souci
Les marchés européens du gaz naturel ont bénéficié d’un certain répit ces dernières semaines. Les prix du marché de gros ont chuté de façon spectaculaire, car de nombreux pays européens étaient parvenus à remplir à 90% leurs stocks de gaz naturel. Les installations de stockage en Allemagne, en France, en Italie et en Belgique, entre autres, étant pratiquement remplies à ras bord, la pression sur le marché s’est considérablement relâchée.
Ces réserves de gaz naturel relativement élevées ne garantissent pourtant pas un hiver sans problèmes. En particulier, si un pic hivernal tardif surgit en mars, cela pourrait causer des difficultés d’approvisionnement, prévient l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Cela s’explique, en partie, par le fait que les stocks de gaz naturel n’offrent pas la flexibilité d’un réservoir d’essence que l’on peut facilement utiliser jusqu’à la dernière goutte. Plus le niveau de stockage du gaz est bas, plus la pression dans le système est faible, et plus il est difficile d’extraire le gaz naturel de cette réserve. Si le niveau tombe à 30% de la capacité maximale, par exemple, vous ne pourrez utiliser que 70% du gaz restant.
“Le risque de pénurie augmente lorsque le niveau des réserves de gaz naturel tombe en dessous de 33%”, prévient l’AIE. Si le niveau tombe à 15%, l’industrie sera régulièrement privée de gaz naturel et le risque de pannes d’électricité augmente également, car l’approvisionnement des centrales électriques au gaz sera moindre.
Il s’agit donc de maintenir le niveau des stocks de gaz naturel au-dessus de 33% de leur capacité pendant l’hiver, surtout vers la fin de l’hiver. Cela sera une tâche difficile, car les stocks diminuent de toute façon en raison de la forte demande. La Russie peut exploiter cette faiblesse en fermant complètement le robinet de gaz naturel vers l’Europe, à partir du 1er novembre. Si une vague de froid se produit en mars, les stocks risquent de tomber en dessous des niveaux critiques. “Un pic hivernal tardif est le talon d’Achille de la sécurité d’approvisionnement en gaz de l’Europe. Un niveau de stockage inférieur à 33 % pourrait ne pas être suffisant pour faire face à une vague de froid tardive, comme c’est arrivé en mars 2018”, indique l’AIE sur la base de simulations.
La réduction de la consommation de gaz naturel reste le mot d’ordre pour l’Europe. Une baisse de 9% de la consommation de gaz naturel est indispensable pour maintenir les stocks au-dessus de 33% avec des approvisionnements en GNL plus élevés. Une économie de 13% est nécessaire si l’approvisionnement en GNL diminue, ce qui est possible si, par exemple, la demande en Asie augmente en raison d’une vague de froid en Chine. “Une consommation plus faible est donc essentielle pour minimiser les approvisionnements européens jusqu’à la fin de la saison hivernale où le chauffage fonctionne”, a déclaré l’AIE.
Des prix toujours élevés
Le niveau des stocks de gaz naturel à la fin de l’hiver sera également important pour l’évolution des prix au cours de l’année 2023. Plus les stocks seront faibles à la fin du mois de mars, plus il sera difficile de les reconstituer pour atteindre 90 % à la fin du mois de septembre 2023. Et l’année prochaine, contrairement à cette année, cet exercice pourrait devoir se faire avec beaucoup moins, voire pas de gaz russe. L’Europe devra alors acheter encore plus de GNL pour reconstituer ses stocks. Si c’était déjà un exploit extrêmement coûteux cette année, cela sera encore plus difficile l’année prochaine.
L’Europe a pu importer 60 % de GNL en plus cette année en payant une prime importante par rapport aux prix du GNL asiatique. Et la récession de l’économie chinoise a libéré des capacités sur le marché du gaz naturel que l’Europe pourrait exploiter. Toutefois, avec la reprise de la demande chinoise, la bataille pour mettre la main sur les stocks de GNL disponibles pourrait devenir encore plus âpre. Un certain répit est possible si le Japon redémarre ses centrales nucléaires. “Le marché du GNL pourrait devenir encore plus étriqué l’année prochaine que cette année”, prévient l’AIE. Cela implique alors que les prix du gaz naturel resteront élevés l’année prochaine également dans la course contre la montre pour reconstituer suffisamment de réserves d’ici l’hiver 2023-2024.
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