Rudy Aernoudt
“L’enseignement ‘belge’, le plus cher d’Europe, peine à atteindre la moyenne”
Les dirigeants politiques belges ont l’habitude de vanter la qualité de notre enseignement. Mais en dépit de plusieurs réformes, cette perception basée sur une époque révolue ne résiste malheureusement pas à l’épreuve des faits.
Le principal problème de notre enseignement est qu’il confond souvent égalité des chances et nivellement par le bas, à savoir une adaptation au niveau moyen. Et les contribuables, nos élèves moins doués, nos meilleurs étudiants et nos entreprises à la recherche de main-d’oeuvre qualifiée en paient le prix fort.
Chacun a droit à l’enseignement. Former les jeunes, leur apprendre à lire et à écrire est en effet une condition de base à la construction d’une existence digne et à l’accès au marché du travail. Un enseignement de qualité coûte cher mais constitue en réalité un investissement dans l’avenir. Et la Belgique y investit généreusement. En fait, je ne devrais pas parler de “Belgique” car celle-ci n’a guère de compétence en cette matière. L’enseignement relève en effet des Communautés même si comme souvent – et c’est une grande source d’inefficacité – quelques compétences résiduelles relèvent toujours du niveau fédéral, comme la définition des exigences minimales pour la délivrance des diplômes, la législation en matière d’instruction obligatoire et les régimes de pension. Petit test : pouvez-vous donner le nom du ministre fédéral compétent pour l’Enseignement ? Je crains que non.
Un élève francophone sur quatre n’est pas capable de comprendre une phrase d’une complexité moyenne quand il quitte les bancs de l’école.
Ensemble, les communautés dépensent 22 milliards d’euros par an pour l’enseignement, soit 2.000 euros par Belge. Cette somme correspond à 6,3% de notre produit intérieur brut. L’enseignement “belge” est ainsi le plus cher de l’Union européenne et 23% plus cher que la moyenne de l’OCDE (5,1%).
Mais les contribuables en ont-ils pour leur argent ? Les Belges fréquentent l’enseignement pendant 19,7 ans en moyenne. D’après le Forum économique mondial, nous occupons la deuxième place mondiale en ce domaine. Cette durée pourrait donc justifier en partie le coût élevé de notre système.
Mais les résultats sont-ils à la hauteur ?Si nous nous concentrons sur les élèves en difficulté, notre enseignement enregistre des résultats désolants. En effet, un élève flamand sur cinq et un élève francophone sur quatre n’est pas capable de comprendre une phrase d’une complexité moyenne quand il quitte les bancs de l’école (chiffres de l’enquête Pisa). Les résultats des garçons sont particulièrement alarmants. Des jeunes qui ne sont pas capables d’écrire ou de comprendre de tels textes sont condamnés à mener une existence précaire. Brinquebalés entre les différents statuts de chômeur et des brèves périodes d’emploi pour conserver leurs droits au chômage via une formation supplémentaire, ils forment la partie assistée de la société. Manifestement, ces jeunes en difficulté ne sont donc pas suffisamment accompagnées ou motivés.
Mais les problèmes sont aussi nombreux de l’autre côté du spectre. Car les universitaires ne demandent plus à leurs compagnons s’ils ont réussi ou pas. La question classique est désormais : “en combien d’années as-tu eu ton diplôme ?”. En effet, à peine un étudiant flamand sur trois (33%) et un étudiant francophone sur quatre (27%) terminent leur programme de baccalauréat dans la durée prévue. Les performances des deux Communautés sont ainsi nettement inférieures à la moyenne de l’OCDE (39%). Ici aussi, les filles se montrent plus à leur avantage que les garçons. A peine 19% des bacheliers francophones et 27% des bacheliers néerlandophones ont obtenu leur baccalauréat dans les trois ans prévus. Pour les filles, c’est respectivement 33% et 38%.
Notre enseignement est plus cher, dure plus longtemps et se caractérise par un pourcentage élevé d’élèves qui ne sont pas suffisamment armés pour s’épanouir dans notre société de l’information et une majorité d’universitaires qui doivent étirer leurs années d’études pour obtenir un diplôme. On peut se chamailler sur la Communauté qui s’en sort le mieux, il n’en reste pas moins que dans une perspective internationale, les deux Communautés nous livrent une qualité médiocre pour un prix élevé.
Autrement dit : notre enseignement est un nouvel exemple d’utilisation inefficace de nos impôts beaucoup trop élevés. Désolé pour le lecteur crédule qui perd ainsi une illusion de plus.
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