L’emploi privé déjà en recul : la FEB tire la sonnette d’alarme

Pieter Timmermans
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le point conjoncture présenté ce mardi par la FEB (Fédération des Entreprises de Belgique), n’est pas rose. Nous sommes sur le fil de la récession, avertit la fédération patronale, qui souligne que l’emploi privé commence à baisser.

La fédération patronale a interrogé une vingtaine de fédérations sectorielles, qui représentent 80% des exportations, 75% de l’emploi dans le secteur privé et plus de deux tiers de la valeur ajoutée créée dans notre pays. Et les résultats de l’enquête montrent que nous sommes sur le fil du rasoir, très proche de tomber en récession, avertit la FEB, qui estime que la croissance du PIB ne devrait être que de 0,6% cette année. Mais derrière ce chiffre général se cachent des images diverses.

Handicap salarial accru

« L’économie belge et ses composantes évoluent à des vitesses différentes, souligne Edward Roosens, le chief economist de la FEB. Dans le secteur des services, cela va relativement bien. Il est principalement stimulé par la consommation intérieure. Des secteurs comme l’hôtellerie, le tourisme, les événements, mais aussi diverses prestations de services informatiques qui continuent à bien se porter. Cela ne devrait peut-être pas surprendre. Nous sommes un pays avec une indexation automatique des salaires, donc l’impact négatif sur le pouvoir d’achat causé par la hausse de l’inflation a été très limité chez nous. En 2023, il y a même eu un gain de pouvoir d’achat. Le revers de la médaille, c’est bien sûr que l’indexation automatique des salaires entraîne une augmentation très forte des coûts salariaux ».

La FEB indique que le handicap salarial s’est fortement accru : une heure de travail dans le secteur privé coûtait en moyenne 47,1 euros dans notre pays en 2023, contre 41,7 euros dans les trois pays voisins. 

« Cela signifie donc, poursuit Edward Roosens, avec les prix élevés de l’énergie en Europe, que nous faisons face à des augmentations de coûts très importantes. C’est principalement l’industrie qui en souffre et vous voyez qu’elle perd également beaucoup de parts de marché. D’après les dernières données de la Banque Nationale, la perte de parts de marché était de 8% en 2022 et encore de 5% en 2023. En fait, dit-il, depuis 2022, nous avons sept trimestres consécutifs de baisse de la valeur ajoutée dans l’industrie et la construction. C’est surtout le secteur de la construction neuve qui a beaucoup de mal à cause de l’augmentation des taux d’intérêt ».

Emploi privé en baisse

Tout cela entraîne des répercussions sur l’emploi. En novembre, 55% de nos secteurs ont signalé une baisse de l’emploi au cours des six derniers mois, contre 30% en mai, dit la FEB. « Ce chiffre a donc presque doublé, dit-elle. Même le secteur des TIC, traditionnellement performant, a fait état d’un déclin de l’emploi. Un nombre croissant d’entreprises ferment des départements ou des chaînes de production non rentables, délocalisent leur production à l’étranger proche ou lointain, ou mettent tout simplement la clé sous la porte ». Cette évolution s’accompagne de plus en plus souvent de pertes d’emplois : 12.000 dans l’industrie depuis la mi-2023.  « Le taux d’utilisation des capacités industrielles se situe à 75%, soit un niveau de crise », souligne Edward Roosens qui indique que l’emploi dans le secteur privé connaît depuis plusieurs trimestres une légère baisse par rapport à l’année précédente. Nous sommes dans une situation de diminution de l’emploi. Mais comme il y a toujours un peu de croissance dans le secteur public et dans le domaine de la santé, dans l’ensemble, l’emploi continue de croître très légèrement ».

Sur les vingt secteurs d’activité interrogés, un seul, celui des TIC (technologie de l’information et des communication) s’attend à une croissance de son activité. Les autres prévoient une stagnation ou une baisse. Et 11secteurs sur 20 s’attendent à une diminution de leur niveau d’emploi dans les six mois.

Faire comme les autres

La FEB adresse donc une série de recommandations au nouveau gouvernement.

Primo, restaurer la compétitivité des entreprises en maîtrisant les coûts salariaux, en accord avec nos principaux partenaires commerciaux ; en diminuant les coûts de l’énergie pour les entreprises et en réduisant les charges administratives.

Secundo, assainir les finances publiques. « Pour résorber de manière structurelle le déficit budgétaire estimé à 4,6% du PIB en 2024 conformément au nouveau cadre européen, il sera non seulement nécessaire de mettre davantage de personnes au travail, mais aussi de prendre des mesures plus radicales. Un pacte d’efficacité entre tous les niveaux de pouvoir belges, basé sur un débat approfondi sur les missions essentielles, s’impose », dit la FEB qui plaide pour la simplification et la digitalisation de l’appareil administratif.

 Et tertio, la FEB appelle à « réformer, réformer, réformer ». En raison d’une population vieillissante, le marché du travail continue de se heurter à un taux de vacance structurellement élevé de 4,2%. Un taux de vacance aussi élevé alors que le taux d’emploi ne se situe qu’à 72-73% indique que notre marché du travail et notre système de sécurité sociale sont encore bien trop peu activateurs.

Et surtout, n’essayons pas de faire mieux que les autres, dit Pieter Timmermans, l’administrateur délégué de la fédération patronale. « Ce que nous proposons à la Belgique, ce que nous proposons aux négociateurs, c’est de faire exactement la même chose que les autres pays de la zone euro. Pas plus, pas moins. La limitation dans le temps des allocations de chômage existe partout, sauf chez nous. Faisons la même chose. Le travail de nuit commence dans les autres pays, à 24 h, chez nous à 20 h. Faisons la même chose. Partout dans la zone euro, les cotisations patronales sont plafonnées… », dit-il, en précisant que ce type d’attitude « serait un signal très fort pour l’entrepreneuriat belge. Et ce serait aussi un signal très fort de confiance en cette entreprise ».

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