Le sort de l’Obamacare inquiète les assureurs
Après sa conquête surprise de la Maison Blanche, Donald Trump est en position de mettre en oeuvre une des promesses phares de sa campagne: démanteler la réforme de l’assurance-maladie Obamacare. Mais la réalité pourrait s’avérer plus compliquée.
Sur le papier, le président élu américain a toute latitude pour signer l’arrêt de mort de l’Affordable Care Act de 2010, qui a mis en place un système subventionné visant à étendre la couverture santé des Américains.
Les républicains, adversaires farouches de cette réforme, ont conservé le contrôle des deux chambres du Congrès à l’issue des élections du 8 novembre et les sondages de sortie des urnes ont montré que la complexité et les ratés du nouveau système avaient pesé dans le choix des électeurs américains.
Le plus grand flou subsiste toutefois sur les plans précis du prochain président qui pourrait, dès lors, être tenté de faire abroger purement et simplement l’Obamacare sans le remplacer.
Mais cette option elle-même est désormais entourée d’incertitudes. Après avoir passé des mois à fulminer contre une réforme “totalement désastreuse”, M. Trump semble prêt à en conserver deux importants piliers: l’interdiction faite aux assureurs de refuser un patient en raison de son état de santé et la possibilité pour des parents de faire bénéficier plus longtemps leurs enfants de leur couverture santé.
Vers une ‘spirale infernale’
“C’est quelque chose que nous allons tenter de garder”, a-t-il dit, à la surprise générale, peu après son triomphe électoral.
Selon des analystes, ce nouveau cap est toutefois incompatible avec l’abrogation d’un autre pilier de l’Obamacare, “l’obligation individuelle” qui contraint les Américains à souscrire à une assurance-santé quelle que soit leur condition médicale.
Pour être viable, le système repose sur l’inscription d’Américains en bonne santé qui compensent la prise en charge plus onéreuse de patients malades.
Si ce mécanisme est totalement démantelé, les assureurs perdront les revenus qu’ils percevaient des patients en bonne santé et augmenteront le coût de la couverture pour les autres, la rendant trop onéreuse pour un très grand nombre.
Fait aggravant: les assureurs, qui devront fixer le prix des primes d’assurance au début de l’année prochaine, ne savent pas encore si les subventions publiques destinées aux plus défavorisés seront maintenues.
“Cela va causer une spirale infernale. Le marché de l’assurance-maladie ressemblera à ce qu’il était avant l’Affordable Care Act”, indique à l’AFP Sandy Ahn, professeur à l’Institut de santé publique de l’université de Georgetown, à Washington.
Deux jours après la victoire de Donald Trump, le lobby du secteur de l’assurance-santé, l’America’s Health Insurance Plans, a lui-même mis en garde contre des “perturbations soudaines” qui pourraient “compromettre la couverture” santé des Américains.
L'”effet Trump” s’est d’ailleurs déjà fait sentir. Dès le lendemain de sa victoire électorale, les inscriptions à Obamacare ont connu une brusque flambée, selon le département de la Santé.
‘Gros problème’
Même dans le camp républicain, certains s’inquiètent de possibles conséquences néfastes. “Bien évidemment, nous ne voulons causer aucun dommage à ceux qui sont déjà dans le système”, a assuré la semaine dernière le sénateur républicain Roger Wicker, dans un entretien à Bloomberg TV.
Malgré les controverses, la réforme phare de l’administration Obama a de fait produit des résultats: 20 millions de personnes supplémentaires ont bénéficié d’une couverture santé, faisant tomber le taux des Américains non-assurés à un plus bas historique de 10%. Et selon une étude de la Commonwealth Foundation, plus de 80% des assurés via l’Obamacare sont satisfaits de leur situation.
Les alternatives restent donc politiquement périlleuses, notamment pour un président élu qui s’est posé en champion des classes moyennes.
Selon le bureau du Congrès, le plan des républicains pour remplacer l’Obamacare –auquel le président démocrate a mis son veto en janvier– priverait de couverture santé près de 22 millions de personnes, dont une forte proportion d’enfants et de gens défavorisés.
“Cela va être un gros problème non seulement pour le président Trump mais également pour les parlementaires républicains,” dit à l’AFP Michael Cannon, directeur des études de santé au centre de réflexion Cato Institute, pourtant très critique sur l’Obamacare.
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