Le Parlement européen ouvre la voie aux “nouveaux OGM”
Le Parlement européen a approuvé mercredi à une courte majorité une proposition d’assouplissement réglementaire pour les végétaux issus de biotechnologies génomiques – promesse de semences plus résistantes selon leurs partisans, “nouveaux OGM” potentiellement dangereux, pour leurs détracteurs.
Le texte vise à exempter une partie des variétés issues des “nouvelles techniques génomiques” (NGT) des règles encadrant les organismes génétiquement modifiés (OGM). Soutenu par la droite, contesté par la gauche et les écologistes, il a été adopté à 307 voix pour (236 contre, et 41 abstentions). “Le Parlement a voté pour la science, pour la sécurité alimentaire, pour soutenir les agriculteurs européens, après des décennies de blocages”, a réagi l’eurodéputée suédoise Jessica Polfjärd (PPE, droite), rapporteuse du texte. Ce vote ouvre la voie à de futures négociations avec les États membres qui, très divisés, n’ont pas encore arrêté leur position, de quoi compromettre grandement une finalisation d’ici les élections européennes de juin.
NGT offrent une kyrielle d’outils
Variétés résistantes à la sécheresse, aux insectes ou aux maladies, blé pauvre en gluten, meilleurs rendements… Les NGT offrent une kyrielle d’outils “éditant” le matériel génétique des plantes, pour améliorer leur rendement ou les rendre plus résistantes en désactivant un gène ou en transférant des gènes issus d’une même espèce, mais sans ajout extérieur, contrairement aux OGM “transgéniques”.
Des semences et variétés manipulées par NGT peuvent donc présenter des modifications susceptibles de se produire naturellement ou via des croisements traditionnels. Dans ce cas, la nouvelle législation prévoit que les règles drastiques encadrant les OGM (longue procédure d’autorisation, études d’impact sanitaire, traçabilité, étiquetage, surveillance…) ne s’appliqueraient pas. Il s’agirait de NGT de “catégorie 1”, définies notamment par un nombre restreint de mutations. Toutes les autres variétés NGT (“catégorie 2”), jugées non-équivalentes au conventionnel, resteraient soumises au régime OGM, avec notamment l’étiquetage obligatoire.
Le texte voté par les eurodéputés prévoit d’autoriser les semences modifiées par NGT “uniquement à condition qu’elles soient associées à une baisse des produits phytosanitaire, ou à un objectif d’adaptation au changement climatique”, par exemple pour faire face au stress hydrique, a souligné Pascal Canfin (Renew, centriste), président de la commission Environnement du Parlement. Il a salué l’ajout d’une disposition permettant une “traçabilité” de ces produits jusqu’au consommateur final, et pas seulement jusqu’à l’agriculteur, comme le proposait la Commission européenne.
La situation était incompréhensible et anachronique
Surtout, les eurodéputés entendent “interdire totalement les brevets sur tous les végétaux NGT”, “afin d’éviter les incertitudes juridiques, l’augmentation des coûts et de nouvelles dépendances pour les agriculteurs et les éleveurs”. Ce texte “était une attente importante des agriculteurs, je pense que c’est une bonne nouvelle, qui montre que l’Europe et le Pacte vert ne fournissent pas que des contraintes mais aussi des solutions supplémentaires”, a estimé Pascal Canfin.
La puissante organisation des syndicats agricoles majoritaires Copa-Cogeca a applaudi “une approche équilibrée” pour “concilier production et adaptation au changement climatique. En appliquant les règles OGM aux NTG, “la situation était incompréhensible et anachronique”, a-t-elle souligné. “L’Europe libérale vient d’autoriser de nouveaux OGM sans en connaître les conséquences sur la santé et l’environnement”, a déploré l’eurodéputée belge Saskia Bricmont (Ecolo, Verts/ALE), en renvoyant vers une pétition refusant “que les géants de l’agro-industrie contrôlent notre alimentation”.
“C’est le choix de la science”
Kathleen Van Brempt (Vooruit) s’est abstenue. Elle s’est montrée satisfaite des dispositions relatives à l’étiquetage et à la traçabilité ainsi que de l’interdiction des brevets, mais juge qu’il manque de soutien scientifique et de protection pour les agriculteurs qui ne veulent pas travailler avec les NGT. “Néanmoins, je souhaite que nous puissions entamer des négociations avec le Conseil et j’espère que nous parviendrons à un bon accord et à un cadre juridique solide assorti des garanties nécessaires.”
De son côté, le ministre fédéral de l’Agriculture David Clarinval s’est réjoui du vote parlementaire. “C’est le choix de la science, de l’autonomie stratégique de l’Europe et du soutien aux agriculteurs. Les NGT ouvrent d’autres perspectives de croissance à notre agriculture pour en améliorer le rendement et la durabilité”, a-t-il indiqué.