Le marché noir comme dernier recours, en Chine, face au Covid
En pleine pénurie de médicaments anti-Covid en Chine, et après une levée brutale des restrictions sanitaires, des familles désemparées se tournent vers le marché noir, malgré des arnaques et des prix exorbitants.
Après trois années de restrictions parmi les plus draconiennes au monde, la Chine a brutalement levé le mois dernier la plupart de ses mesures sanitaires contre le Covid-19. Cette décision annoncée sans préavis a pris au dépourvu la population et entraîné depuis une explosion du nombre de malades.
Le système de santé est submergé de patients âgés, tandis que les crématoriums sont dépassés par l’afflux de corps. Quant aux pharmacies, beaucoup font face à une pénurie de médicaments contre le rhume et la fièvre. De nombreux Chinois se méfient par ailleurs des produits fabriqués dans leur pays, après plusieurs scandales ayant entaché le secteur pharmaceutique. Une situation qui pousse certains à se tourner vers le marché noir, et faire ainsi le bonheur de vendeurs en ligne peu scrupuleux.
Malgré les risques, Qiu est allée sur internet pour se procurer du Paxlovid, le médicament anti-Covid du géant américain Pfizer. Derrière l’écran, un interlocuteur assurait avoir des stocks et pouvoir lui en envoyer par courrier. Sur le vrai-faux site d’une entreprise pharmaceutique de Hong Kong, la jeune femme a passé commande et déboursé 12.000 yuans (1.644 euros) pour six boîtes, soit plus d’un mois de salaire pour de nombreux Chinois.
Cachets en or
Mais les boîtes de Paxlovid ne sont jamais arrivées et l’escroc a coupé tout contact. “C’est dégoûtant!”, peste Qiu, qui n’a pas souhaité divulguer à l’AFP son nom complet. Elle dit s’être sentie “blessée, impuissante et très en colère” à cause de cette arnaque. “Chaque seconde compte quand vous essayez de sauver la vie de quelqu’un”, raconte, dépitée, la jeune femme de 22 ans.
Ghitai, la société dont le site internet a été usurpé, a indiqué à l’AFP avoir fait un signalement à la police.
Pour la plupart des Chinois, le Paxlovid reste un médicament extrêmement difficile à obtenir, même si les autorités assurent que certains hôpitaux de quartier en sont désormais pourvus. A Pékin et Shanghai, de nombreux établissements contactés par l’AFP ont toutefois indiqué ne pas savoir quand ils seraient livrés.
Les sites spécialisés dans la vente en ligne de médicaments ont quant à eux écoulé tous leurs stocks. Une aubaine pour les escrocs et autres vendeurs sans scrupules.
“Tombée des nues”
L’un d’eux, contacté par l’AFP, vendait une boîte de Paxlovid pour 18.000 yuans (2.466 euros), soit près de neuf fois le prix officiel. L’interlocuteur n’a pas précisé comment il s’était procuré le médicament et a coupé toute communication quand un journaliste de l’AFP s’est identifié comme tel.
Le ministère chinois de la Sécurité publique a lancé lundi une campagne ciblant la “production et la vente de médicaments contrefaits” contre l’épidémie de Covid.
Malgré les risques, le marché noir reste le dernier recours pour des personnes comme Xiao, dont le grand-père, âgé, est tombé malade fin décembre. La commerciale de 25 ans dit être “tombée des nues” lorsqu’un vendeur en ligne lui a demandé près de 2.500 euros pour du Paxlovid. Une somme hors de sa portée. “Je ne comprends pas du tout comment certaines personnes peuvent se procurer ce médicament“, indique à l’AFP la jeune femme, qui a depuis perdu son grand-père. “Les gens comme nous ne peuvent même pas acheter une boîte.”
Zéro dilemme
Résultat, certains Chinois se tournent vers des médicaments génériques, importés illégalement mais plus abordables. L’AFP a trouvé en ligne les services d’une personne se présentant comme un pharmacien établi en Inde. Pour sa clientèle chinoise, point de Paxlovid mais du Paxista, un équivalent tout de même facturé 1.500 yuans (205 euros) pièce.
“Je ne sais pas qui croire”, s’interroge dans un groupe de discussion une femme, au sujet de l’efficacité des génériques.
La semaine dernière, la Chine a accordé une autorisation d’urgence sous conditions à un antiviral du laboratoire Merck, pour des patients adultes atteints de symptômes légers ou modérés du Covid. En Chine, un intermédiaire indique à l’AFP n’avoir “aucun problème moral” à fixer des prix élevés pour des médicaments qui peuvent sauver des vies.
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