“Le laxisme dans les contrôles sur les diamants russes à Anvers a des conséquences mondiales”
Des contrôles un peu trop laxistes sur l’origine des diamants bruts, en provenance de Russie, et arrivant sur le sol belge, permettent à ces pierres d’être exportées plus tard partout dans le monde, écrivent nos confrères du Knack.
Des contrôles un peu trop laxistes sur l’origine des diamants bruts, en provenance de Russie, et arrivant sur le sol belge, permettent à ces pierres d’être exportées plus tard partout dans le monde, écrivent nos confrères du Knack.
Lorsqu’un lot de diamants russes arrive à l’Office du diamant d’Anvers pour y être expertisé, la facture porte très souvent la mention “origine inconnue”. Pourtant, n’importe quel expert peut dire si une pierre brute provient de Russie, du Canada ou d’Afrique du Sud. Par la suite, les diamants russes partent mélangés à d’autres pierres, de diverses provenances, vers les usines de taille en Inde. Après avoir été taillés, ils sont commercialisés dans le monde entier comme des diamants d’origine indienne. Nos collègues du Knack ont décrit en détail tout le processus.
Car pour le dire clairement, il n’y a pas de boycott officiel en Europe concernant les diamants en provenance de Russie, contrairement aux États-Unis. Pourtant, l’origine de ces pierres pose problème. Tous les grands fabricants de bijoux, tels que Bulgari, Cartier et Tiffany’s, ont décidé de bannir les diamants russes de leurs processus de fabrication. Or en faisant un petit détour par l’Inde, cela pourrait être un moyen de dissimuler la provenance d’origine de ces pierres.
“J’en doute”, déclare Eddy Vleeschdrager, de la société Expert Diamond à Trends. “Ces joailliers sont plus susceptibles d’acheter des pierres, qui proviennent des distributeurs de diamants bruts réputés, Rio Tinto (Canada) ou De Beers (Royaume-Uni), et avec lesquels ils ont des liens historiques.”
Les pierres russes, dont l’origine a été modifiée à Anvers, trouvent effectivement leur chemin par après vers d’autres centres diamantaires, nous confirme un négociant, très actif à Dubaï. “A l’origine, les négociants de Dubaï étaient très méfiants à l’égard des diamants en provenance de Russie”, explique-t-il. “Après tout, leurs acheteurs américains ne pouvaient pas faire grand-chose avec ces pierres, en raison du boycott américain sur les produits russes. Même Emirates Airlines et le transporteur Brink’s Global Services FZE ne souhaitent pas transporter des pierres russes, de peur d’avoir des ennuis avec les États-Unis.”
L’ « aversion » envers les pierres russes s’est transformée lorsqu’il est apparu qu’elles étaient expédiées d’Anvers à Dubaï mélangées à d’autres pierres. “Tous les négociants de Dubaï savaient qu’il s’agissait bien de pierres russes. Tout le monde fermait les yeux et prétendait ne rien savoir. Cela semble très ironique qu’Anvers tente d’empêcher le boycott des diamants russes, par le biais du lobbying, en avançant, comme argument, qu’autrement Dubaï et l’Inde prendront le contrôle de ce commerce. Pendant ce temps, l’organisme de contrôle anversois permet aux négociants diamantaires russes de déguiser l’origine de leurs pierres et d’atteindre Dubaï via Anvers. Par ailleurs, l’Inde fait également du commerce via ces colis mélangés. Le laxisme dans le contrôle des diamants russes transitant par Anvers a des conséquences mondiales.”
Eddy Vleeschdrager ne le croit pas. “Lorsqu’un négociant anversois fait entrer des lots à l’origine supposée inconnue, les uns après les autres, cela attire l’attention. L’Office du diamant interviendrait immédiatement. En outre, les détours via Anvers sont inutiles. Dubaï peut de toute façon importer ces pierres de Russie. L’année dernière, pour la première fois de son histoire, elle a dépassé Anvers en termes de ventes. C’est tout dire. D’ailleurs, il n’y a pas que Dubaï qui importe désormais de grandes quantités de diamants de Russie, l’Inde et la Chine aussi.”
L’ONG Impact, qui s’intéresse à l’origine des matières premières, souligne que les négociants indiens dissimulent également l’origine russe de leurs diamants. La porte-parole Joanne Lebert, s’exprimant sur CBC News la semaine dernière, a déclaré : “L’Inde, où l’on estime que 95 % des diamants sont taillés, n’a pas de sanction contre les diamants russes. Les pierres qui s’y trouvent peuvent donc facilement être mélangées à des diamants d’autres régions avant d’arriver sur le marché mondial. Nous ne pouvons que spéculer sur le fait que les recettes de ce commerce de diamants alimentent la guerre et la violence en Ukraine.”
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