Le crédit hypothécaire plus cher, c’est un peu à cause de la Chine

EMPRUNT IMMOBILIER Les banques acceptent presque toujours de scinder le dossier entre inscription et mandat hypothécaire. © Getty Images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Les marchés obligataires étant interconnectés, la pression créée par la Chine sur les taux américains se répercute un peu chez nous.

Depuis des mois, les taux à long terme sont en effervescence. Les nouveaux prêts octroyés par les banques belges se caractérisent par un taux annuel de 3,7%, selon les dernières statistiques de la Banque centrale européenne (BCE), qui reprend l’ensemble des nouveaux crédits hypothécaires. Il faut remonter à septembre 2011 pour trouver des taux aussi élevés. Et la hausse s’accélère: fin juillet, le taux des obligations de l’Etat belge à 10 ans était à 3,1%. Aujourd’hui, il dépasse les 3,6%. ce qui impacte évidemment directement les tarifs des prêts aux ménages et aux entreprises.

Il y a l’inflation…

La flambée des taux s’explique bien sûr par le réveil de l’inflation et la politique de la Banque centrale qui désire l’endiguer coûte que coûte. La hausse des taux directeurs (à court terme) de la Banque centrale et son discours vigoureux, qui laisse entendre que les taux resteront élevés longtemps, déteint sur l’ensemble de la courbe des taux.

© National

Les taux à long terme sur les emprunts d’Etat sont également poussés vers le haut. Mais avec une croissance qui devrait tourner cette année autour de 1% chez nous et 0,6% dans la zone euro, un taux de 3,6% sur 10 ans, qui est celui que paye l’Etat aujourd’hui, est quand même élevé.

L’explication est à chercher dans le lien qui existe entre les obligations européennes et les obligations américaines. En fait, les marchés étant interconnectés, un mouvement aux Etats-Unis a des effets chez nous. Or, le taux à 10 ans des Etats-Unis vient de franchir le cap des 5%. C’est énorme. Bien sûr, les Etats-Unis ont une croissance supérieure à la nôtre. Mais d’autres éléments expliquent la flambée des taux américains.

Clairement, il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande. Pour le dire autrement, il y a trop d’obligations à vendre. D’abord parce que le trésor américain est très endetté. Et la hausse des taux n’arrange rien. Les Etats-Unis doivent financer l’effort de guerre et les politiques de soutien aux ménages et aux entreprises. Leurs dettes dépassent les 33.000 milliards de dollars. Ils payeront cette année 660 milliards de dollars environ en intérêt, soit le double de l’an dernier.

… mais pas seulement

Pour financer ces besoins, le Trésor américain émettra cette année 1.100 milliards de dollars. Les investisseurs doivent digérer cette masse. Mais ils doivent aussi avaler d’anciens emprunts dont la Chine, qui a un grand portefeuille d’obligations en dollars, se débarrasse en abondance depuis des semaines. Selon le Trésor américain, les investisseurs chinois se sont en effet délestés en août de 21,2 milliards de dollars d’actifs américains, dont 15 milliards d’obligations d’Etat. Et la braderie s’est poursuivie ces dernières semaines. C’est que la Banque de Chine a décidé début août de protéger avant tout sa devise, le yuan renminbi, qui souffre d’accès de faiblesse, ce qui pousse certains capitaux chinois à aller à l’étranger.

Pour freiner ces départs, la Banque de Chine veut raffermir sa devise et vend donc les actifs en dollars que la Chine a amassés au fil des ans grâce à son excédent commercial. Les sommes ainsi récoltées serviront aussi à aider les ménages et les entreprises chinoises aux prises avec une crise immobilière qui s’aggrave.

Mais cette vente accroît la tension sur le marché obligataire américain. Cela se répercute chez nous. Et voilà pourquoi si vous payez votre crédit hypothécaire trop cher, c’est un peu à cause de Pékin.

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