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Le “blanchiment” du pétrole russe dont on ne vous parle pas

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Quoi de plus légitime que de venir passer ses vacances d’été en Europe ? Après tout, c’est la plus belle et plus riche région du monde sur le plan culturel. Mais si vous êtes russe, ce petit plaisir ne vous sera bientôt plus permis.

Ce mercredi, les ministres des affaires étrangères européens ont décidé de suspendre un accord avec la Russie qui facilitait l’octroi de visas européens. L’idée derrière cette suspension est qu’il n’est pas normal que des citoyens russes se baladent en Europe comme s’il n’y avait pas de guerre en Ukraine. L’interdiction des visas n’est pas totale, même si c’était la volonté des Polonais, qui comme vous le savez sont les plus véhéments contre la Russie. D’autres pays, comme la France, estiment que les citoyens russes ne sont pas à l’origine de cette guerre. Les laisser venir en Europe serait la preuve que chez nous, il y a une liberté d’expression, et que la version des faits n’est pas la même qu’en Russie. Je comprends la position française sur le principe. Mais, sauf erreur de ma part, je n’ai jamais vu un touriste russe lire la presse locale ou regarder la télévision locale.

Donc, pendant que nous interdisons aux citoyens russes de venir dépenser leurs sous comme touristes en Europe, les Russes – eux – comptent leurs sous qui ne cessent de s’empiler. C’est le Wall Street Journal qui a levé le lièvre. Un lièvre que les autorités européennes et américaines connaissent et font semblant d’ignorer. Ce lièvre, c’est que le pétrole russe continue d’arriver sur notre continent. Sauf qu’au lieu d’être Made in Russia, il a une autre étiquette, l’étiquette d’un autre pays. Autrement dit, les exportations de pétrole russe vers le Moyen-Orient et l’Asie ont explosé ces derniers mois. En réalité, cela cache un détournement de l’embargo européen sur le pétrole russe. Le Wall Street Journal explique comment, en pleine mer, la cargaison de pétrole russe est transférée d’un pétrolier à un autre. En clair, la Russie blanchit son pétrole en Asie ou au Moyen-Orient pour nous le refiler ensuite sous une nouvelle étiquette. C’est l’une des raisons pour lesquelles le prix du baril de pétrole a aussi diminué de 30% ces temps-ci. Comme les autorités européennes s’arrachent déjà les cheveux avec le gaz, vous pensez bien qu’elles détournent le regard, car elles n’ont pas envie d’avoir un deuxième choc énergétique à gérer. Ah oui, j’ai failli oublier de vous le dire, les Américains sont aussi au courant de ce blanchiment.

Tous les experts font le même commentaire : dans cette guerre en Ukraine, pour le moment, il n’y a qu’un seul gagnant : les Etats-Unis ! Que ce soit sur le plan militaire, géopolitique, économique ou financier, ce sont eux qui tirent les marrons du feu. J’ai une phrase de Mark Twain que j’essaie d’appliquer modestement dans ma vie. Je vous la cite : “ne laissez personne être une priorité dans votre vie quand vous n’êtes qu’une option dans la sienne”. J’ai bien peur, hélas, que l’Europe ne soit qu’une option pour les Etats-Unis.

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