L’agence Moody’s “peut aisément trouver des raisons pour dégrader la note de la Belgique” ce 10 octobre

Bart De Wever, le 2 octobre à Copenhague: inquiet... (Belga)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Semaine de vérité pour le budget en Belgique. Alors que certaines négociations sont entravées par la mission princière aux Etats-Unis, la note du pays pourrait tomber d’un cran. Les entités fédérées sont dans le viseur également. L’économiste Eric Dor explique pourquoi le risque est grand.

La note de la Belgique pourrait-elle tomber d’un cran, ce vendredi 10 octobre? “L’agence Moody’s peut aisément trouver des raisons pour dégrader la note de la Belgique“, estime l’économiste Eric Dor dans une analyse.

“Ce serait déjà une implication de ses propres critères, puisque la capacité du gouvernement à stabiliser réellement le poids de la dette reste incertaine et que la compétitivité du pays est dégradée, souligne-t-il. Une dégradation de la Belgique pourrait aussi restaurer une certaine cohérence entre la hiérarchie des notes accordées par Moody’s aux différents pays et leurs performances réalisées et projetées en termes de finances publiques, et se conformer aux différences de taux de rendement déjà exigées par les marchés.”

Le 11 octobre 2024, Moody’s avait maintenu la note Aa3 de la Belgique, mais abaissé la perspective à négative. Cette note Aa3 correspond à AA- chez Standard & Poor’s et Fitch. L’agence Fitch octroie déjà une note inférieure à la Belgique, A+ avec perspective stable. Par contre Standard & Poor’s octroie encore une meilleure note à la Belgique, AA, avec perspective négative.

Entités fédérées: la corde raide

Il est question ici du budget fédéral et de la note de la Belgique. C’est ce qui compte prioritairement aux yeux de l’Union européenne et des marchés. Mais la situation des entités fédérées joue un rôle majeur.

Eric Dor pointe “le problème de coordination entre les différents niveaux de pouvoir en Belgique“. A raison, l’absence de coopération budgétaire est épinglée de longue date par les spécialistes.

Or, la question reste trés délicate et incertaine. La Région wallonne est en plein conclave, mais il est interrompu en raison de la participation du ministre MR Pierre-Yves Jeholet à ma mission économique princière aux Etats-Unis. Les négociations se poursuivent à six en Région bruxelloise, après le feu vert de l’Open VLD, mais il n’y a pas de majorité flamande. Et la Fédération Wallonie-Bruxelles attend, prudemment.

Moody’s a noté séparément la dette de la région de Wallonie, A3 avec perspective négative, de la fédération Wallonie Bruxelles, A3 avec perspective négative, et de la Flandre, Aa3 avec perspective négative, en novembre 2024. C’est notamment la crainte d’une dégradation qui pousse les Bruxellois à négocier.

Fédéral: les divisions inquiètent

Au fédéral, le Premier ministre Bart De Wever compte bien arriver à un accord. Mais ses partenaires de coalitions se divisent jusqu’à l’ampleur de l’effort à réaliser.

“Pour que le déficit des administrations publiques fédérales diminue à 3% du PIB en 2030, ce qui était normalement l’objectif du gouvernement, il faudrait des mesures qui permettent de le réduire de presque 21 milliards d’euros d’ici là, par rapport à la trajectoire projetée à politique inchangée, souligne Eric Dor. L’agence Moody’s pourrait légitimement se demander si un effort d’une telle ampleur, par un mélange de baisses de dépenses et de hausses de recettes, est possible et crédible. L’agence de notation peut déjà remarquer aussi des dissensions entre les partis de la majorité, dont certains souhaitent un effort allégé, au prix de postposer encore le retour du déficit fédéral en dessous de 3%.”

L’économiste ajoute: “Il est encore trop tôt pour apprécier si le gouvernement va réellement trouver un compromis sur un effort de l’ampleur nécessaire pour stabiliser la dette, et appuyé par les parlementaires de la majorité, en dépit des troubles sociaux que les mesures impopulaires risquent de susciter. Mais le risque est que l’agence Moody’s pourrait penser que le contexte politique rend peu crédible que le poids de la dette puisse être stabilisé car l’effort nécessaire est trop grand.”

Compétitivité: des handicaps

L’agence Moody’s pourrait, en outre, “s’inquiéter de la dégradation de la compétitivité de la Belgique qui peut déprimer la croissance du pays, et ainsi ses recettes fiscales et donc la solvabilité de la dette publique nationale”, souligne encore Eric Dor.

Il précise: “Le coût horaire total du travail salarié y compris les cotisations sociales patronales et taxes sur les salaires, nettes de subventions reçues, dépasse en Belgique ceux de tous les autres pays de la zone euro, à part le Luxembourg, pour l’industrie et les services marchands.”

Un impact réduit

Cela dit, Eric Dor minimise l’impact qu’aurait une telle dégradation de la note belge. “Souvent l’impact d’une dégradation est insignifiant parce que les investisseurs sur les marchés étaient déjà au courant des problèmes du pays concerné et en tenaient déjà compte pour déterminer le taux d’intérêt exigé sur ses obligations, écrit-il. Ce serait sûrement le cas pour la Belgique.”

Ou encore: “Bien sûr le déplacement par une majorité d’agences de la note vers une catégorie inférieure peut déclencher des effets de seuil automatiques sur la demande d’obligations du pays par les grands investisseurs, et il peut y avoir alors un effet à la hausse sur le taux d’intérêt. Toutefois, les taux d’intérêt réclamés par les investisseurs tiennent déjà compte de ces possibilités de dégradation, si bien que l’impact aurait une forte probabilité d’être extrêmement réduit.”

Il n’empêche que l’inquiétude est réelle.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire