Christophe De Caevel
La transition énergétique sera socialement acceptable si elle est couplée à une redistribution
La fondation Solar Impulse a déjà validé près de 1.400 solutions concrètes pour endiguer le dérèglement climatique. Mais cette belle histoire pourrait bien se fracasser sur la question du financement. On peut retourner l’équation dans tous les sens: faire les choses plus proprement coûtera plus cher et personne ne veut en payer la facture.
Rentables. La fondation Solar Impulse a déjà validé près de 1.400 solutions concrètes, dont 66 développées en Belgique, pour endiguer le dérèglement climatique. Des solutions rentables et opérationnelles dès aujourd’hui, insiste Bertrand Piccard dans une interview accordée à notre magazine. Elles ne demandent qu’à être implémentées à grande échelle, ce qui implique que particuliers et entreprises acceptent de changer une série d’habitudes. Et très vraisemblablement que les pouvoirs publics y apportent leur soutien sonnant et trébuchant. Ces solutions ont beau être jugées “rentables”, elles restent en effet souvent très onéreuses. Elles risquent dès lors d’être réservées aux fractions les plus aisées de la population, au moins dans une phase de lancement, le temps d’atteindre les volumes de production suffisants pour réaliser de précieuses économies d’échelle.
La belle histoire des 1.400 solutions pourrait bien se fracasser ici, sur la question du financement. On peut retourner l’équation dans tous les sens: faire les choses plus proprement coûtera plus cher et personne ne veut en payer la facture. Tout le monde applaudit quand, pour défendre son industrie, l’Europe élabore une réglementation visant à taxer l’importation de biens produits dans des conditions environnementales et sociales bien moins strictes que dans l’Union. Mais applaudirons- nous encore quand nous verrons l’impact de cette taxation sur les prix de vente dans les rayons de nos magasins? Les appels à la défense du pouvoir d’achat prendront alors le relais et l’on inventera, au terme d’un de ces marathons de négociation dont nos ministres raffolent, un nouveau chèque- consommation censé compenser la hausse des prix. L’histoire ne se terminera pas là: ce chèque, il faudra bien que quelqu’un le paie un jour et le plus simple sera sans doute de décréter quelques rafistolages fiscaux de plus sur le dos de la classe moyenne…
“Il y a un consensus académique sur le fait que la transition coûtera cher, nous confiait récemment Marek Hudon, professeur de Finance à Solvay et auteur d’une étude sur les tests de résilience des entreprises. Cette transition ne sera socialement acceptable que si elle est couplée à une redistribution.” Redistribuer, cela signifie littéralement prendre aux uns pour donner aux autres. Des gagnants et des perdants. Dans un monde politique très éparpillé, où chacun défend avant tout son (petit) pré carré électoral, cela relève quasiment de la mission impossible. Surtout si on pimente le tout de la critique instantanée, sans filtre et court-termiste qui pullule sur les réseaux sociaux.
Nous en avons vu une triste illustration avec les tractations au sein du gouvernement fédéral afin d’aider les ménages belges à faire face à la hausse des prix de l’énergie. Il a fallu des semaines de discussion pour aboutir à une formule qui se limite à une aide jugée trop faible (aucun rabais sur le gaz, par exemple), temporaire (alors que la transition vers le renouvelable pousse structurellement les prix énergétiques à la hausse) et dont on ne sait pas trop comment elle sera financée (1,1 milliard à trouver). Les sept partis autour de la table peinent à dessiner une vision commune de la société. Or, sans cette vision commune, ils ne pourront jamais aboutir à des compromis ambitieux et durables sur la transition énergétique, les pensions ou la réforme fiscale. Et dire qu’il y a pourtant 1.400 solutions innovantes à portée de main.
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