La taxe sur les titres est du pur marketing politique (analyse)

Vincent Van Peteghem (CD&V), ministre des Finances. © belga
Alain Mouton Journaliste chez Trends  

Avec l’introduction de la taxe sur les comptes-titres, le ministre des Finances Vincent Van Petegham (CD&V) fait du forcing. Cette nouvelle taxe arrive plus tôt que prévu pour étouffer dans l’oeuf les discussions fastidieuses sur l’impôt sur la fortune au sein du gouvernement Vivaldi. Le fait que l’argent récolté sera utilisé pour le financement des soins de santé n’est qu’un coup de communication.

“Contribution de solidarité”. Voici comment le gouvernement fédéral a baptisé la taxe sur les comptes-titres pour laquelle un accord a été atteint la semaine passée. La taxe s’élèvera à 0,15 pour cent pour les comptes-titres à partir d’un million d’euros. Elle incombera aux personnes physiques, mais également aux sociétés. En comparaison avec l’ancienne taxe sur les titres, mise en place par le gouvernement Michel, les actions, obligations, fonds d’investissements et les warrants sont soumis à cette taxe, mais également d’autres produits financiers comme les options, les futures, les swaps et les certificats immobiliers. Les actions nominatives ne seront pas soumises à la nouvelle taxe.

Il s’agit d’un sujet sensible au sein du gouvernement. Les libéraux avaient promis qu’aucune augmentation des impôts n’aurait lieu, mais regardez, voici déjà une nouvelle taxe. Pour l’instant, les électeurs ne se plaignent pas, car le gouvernement De Croo essaie d’étouffer la critique dans l’oeuf en mettant l’accent sur le fait que cette taxe sera utilisée pour financer les dépenses supplémentaires des soins de santé dues à la crise sanitaire. C’est pour cette raison que le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V) présente le rendement attendu de 468 millions d’euros comme une “contribution de solidarité”.

Les soins de santé sont déjà financés par les taxes ordinaires

Nous sommes ici confrontés à un cas de pur marketing politique. La taxe sur les titres ne va pas sauver les soins de santé (dont le budget est de 30 milliards d’euros), encore moins la sécurité sociale. Si nous partons du principe qu’elle rapportera 468 millions d’euros, elle sera plus qu’insuffisante pour financer les coûts liés à la Covid-19. Le montant des conséquences du virus sur les soins de santé a été estimé à 1,36 milliard d’euros cette année. Selon l’Institut national d’assurance maladie invalidité (Inami), l’impact budgétaire des mesures comme les tests de dépistage et les centres de triage, s’élève à plus d’un milliard d’euros et le coût des hospitalisations, lui, à 316 millions d’euros. S’ajoutent à cela les 200 millions euros d’aide unique au personnel hospitalier que le gouvernement a annoncée aujourd’hui.

L’utilisation d’impôts sur le capital pour financer la sécurité sociale n’a rien de nouveau. Aujourd’hui, environ deux tiers du système sont financés par les cotisations sociales. Le reste provient de financements alternatifs, comme la ressource TVA ou le précompte mobilier, entre autres. Afin d’éviter un déficit de la sécurité sociale, une dotation dite d’équilibre est venue rejoindre ces sources de financement il y a des années. Cet argent provient du budget ordinaire, composé entre autres des taxes sur les investissements. Sans cette dotation d’équilibre, le déficit de la sécurité sociale dépasserait les 6 milliards d’euros d’ici 2024.

Il est donc incorrect de supposer que le gouvernement fédéral introduit un nouveau système de solidarité en utilisant le produit de la taxe sur les titres pour sauver une partie de la sécurité sociale.

La taxe survivra-t-elle à la Cour constitutionnelle?

Et en parlant de solidarité : contrairement à la taxe comptes-titres précédente, introduite par le gouvernement Michel, il n’est pas fait mention d’une taxe “sur les épaules les plus larges”. Selon Koen Van Duyse, associé en fiscalité au bureau d’avocats Tiberghien, ce n’est pas un hasard. Ce serait une manière d’éviter que cette taxe soit annulée par la Cour constitutionnelle, comme l’a été la version du gouvernement précédent. La Cour n’avait pas apprécié que certains titres se soient pas soumis à la taxe. Ici, les actions nominatives ne sont à nouveau pas reprises dans la liste.

Koen Van Duyse : “L’impôt sur le capital n’est pas associé à la capacité fiscale totale et certains éléments ont été retirés et ne sont pas taxés. Cela nous amène à une situation qui peut être fortement critiquée selon le principe d’égalité. Ce n’est évidemment pas la version définitive. Il faut d’abord attendre un avis du Conseil d’État. Mais cette taxe sur les comptes-titres est définitivement mieux réfléchie que la précédente. Je pense que le terme ‘contribution de solidarité’ est du marketing politique. Elle est imposée aux comptes qui dépassent les 1 million d’euros, mais si vous avez deux comptes de 900 000 euros, alors vous ne devrez rien payer.”

Le gouvernement veut d’ailleurs à mettre en place une disposition anti-abus. Cela signifie que le propriétaire d’un compte doit prouver lui-même que la séparation de son compte ou la réduction de son montant n’a pas pour objectif d’éviter la taxe. Koen Van Duyse : “Cela revient à un reversement de la charge de la preuve. Cela prête également à discussion.”

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