“La sobriété énergétique fera la différence”

EMMANUEL VANZEVEREN "On vit sur les stocks existants." © pg

L’agroalimentaire est lui aussi particulièrement touché par les pénuries, alors qu’environ 25 millions de tonnes de maïs, de blé, d’oléagineux et d’orge sont bloquées dans les grands ports ukrainiens.

“Les difficultés sont apparues avant la guerre, quand la Chine s’est remise en route, provoquant une inflation des prix du transport, une situation très chaotique”, explique Emmanuel Vanzeveren, business developper auprès de Wagralim, le pôle de compétitivité du secteur agroalimentaire wallon.

“Les situations sont très différentes d’une entreprise à l’autre, mais il existe un dénominateur commun: nos entreprises sont très intensives en énergie, continue-t-il. Il faut transporter les matières premières, les cuire, les sécher, les congeler ou les réfrigérer. Tant que nous aurons ces tensions sur l’énergie, nous aurons de grosses répercussions dans notre secteur.”

Difficile aussi de changer rapidement une recette pour pallier, par exemple, le manque d’huile de tournesol. “Il faut six mois à un an pour mettre en place une nouvelle formule pour un produit, souligne Emmanuel Vanzeveren. Les consommateurs sont habitués depuis des décennies à des produits qui ne changent pas. Une nouvelle formule peut affecter non seulement le goût, mais aussi le Nutri-Score, la conservation… De plus, les étiquettes sont préparées longtemps à l’avance.”

Ensuite, il y a les véritables pénuries. Environ 25 millions de tonnes de maïs, de blé, d’oléagineux et d’orge sont bloquées dans les quatre grands ports ukrainiens. L’Ukraine et la Russie représentent un petit tiers des exportations mondiales de blé. “On vit sur les stocks existants, explique Emmanuel Vanzeveren. Cependant, le maïs devrait être semé maintenant, et le froment déjà depuis longtemps.” L’an prochain risque donc d’être très difficile, d’autant qu’un quart des fertilisants utilisés par l’Union européenne provenait de Russie ou Biélorussie et que cette année, la sécheresse s’installe en Europe occidentale.

Problèmes d’emballage

“Et des signes inquiétants se manifestent aussi dans les emballages, poursuit le responsable de Wagralim. Le problème se pose surtout pour les bocaux ou bouteilles façonnées sur mesure. Ils venaient de Russie ou d’Ukraine. Faute de bouteilles à façon, des brasseurs ont dû se replier vers des bouteilles plus conventionnelles.”

Le film EVOH, un polymère qui a remplacé le papier alu et qui empêche l’oxygène d’oxyder le produit, devient lui aussi de plus en plus difficile à trouver. Ces films sont utilisés pour emballer des produits frais (aliments prédécoupés, salades préparées, etc.). En raison de problèmes de maintenance chez les fabricants, de rupture d’électricité au Texas, etc., il y avait déjà des difficultés d’approvisionnement ces dernières années. Mais la guerre a exacerbé les tensions. “Il y a de grandes tensions sur ce matériau, avec de grandes conséquences sur les dates limites de conservation, observe Emmanuel Vanzeveren. Raccourcir la durée de vie d’un aliment a un impact phénoménal sur le gaspillage, sur la logistique (parce qu’il faut davantage de rotations), sur l’étiquetage… Certaines entreprises essayent de retrouver d’anciennes recettes d’emballage, mais elles ne peuvent pas le faire d’un claquement de doigts.”

“Nous allons observer un différentiel entre les entreprises qui avaient anticipé la question énergétique — en mettant en place des systèmes innovants, par exemple en production d’énergie, ou en faisant appel à la digitalisation — et les autres, prédit Emmanuel Vanzeveren. Cette sobriété énergétique, cette innovation, l’agilité au niveau de la formulation, tout cela fera la différence.”

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