Daan Killemaes
“La plus-value économique de la migration est une illusion”
En comparaison avec le reste de la zone euro, nous payons une ville grande comme Gand pour rester au chômage à la maison. C’est l’opinion du rédacteur en chef de Trends Daan Killemaes.
Il y a de l’amélioration, mais la Belgique gère toujours son capital humain de manière honteuse. Les entreprises réclament du talent, mais nous ne parvenons pas à mobiliser les forces de réserve. Cette armée de réserve est pourtant immense.
Si nous parvenions à booster le taux d’emploi jusqu’au niveau de celui de la zone euro, cela impliquerait une croissance nette du nombre d’emplois d’environ 200.000.
En comparaison avec le reste de la zone euro, nous payons donc une ville grande comme Gand pour rester au chômage à la maison. N’écartons dès lors pas les travailleurs licenciés de Carrefour via la prépension. Ces mains et ces cerveaux sont indispensables ailleurs.
Point de basculement
Le marché du travail flamand se trouve à un point de basculement. Si ce n’est pas cette année, ce sera l’an prochain que la population active commencera à se contracter. Nous serons alors encore bien contents d’avoir des robots qui voudront bien reprendre notre travail.
Cette tendance est déjà en place pour la main-d’oeuvre d’origine belge. Ces dernières années, seule la migration a encore contribué à une augmentation. Et à part si baby-boom peu probable arrive en Flandre, seule la migration pourra empêcher un déclin plus rapide de la population active au cours des prochaines décennies. Nous comptons donc sur la migration pour maintenir notre prospérité à niveau et payer nos pensions.
En ce moment, nous nous estimons riches. La plus-value économique de la migration est une fata morgana (un mirage, NdT). La migration ne nous sauvera que si nous parvenons effectivement à mettre les migrants au travail. Or, c’est précisément là que se situe la dérive en Belgique, qui fait partie des plus mauvais élèves de la classe en Europe pour la mise à l’emploi des migrants issus de pays tiers à l’Union européenne.
Le taux d’emploi des migrants venant de pays tiers à l’UE est d’à peine 40%, alors que presque 70% des Belges en âge de travailler (20-64 ans) sont au travail. Imaginez que la population des 400.000 non-Belges issus de pays hors UE atteigne le même taux d’emploi que les Belges, nous parlerions alors de plus de 100.000 emplois supplémentaires.
La plus-value économique de la migration est une fata morgana
Le problème est même plus profond, car les chiffres ne s’améliorent pas pour la deuxième génération de migrants non européens. La Flandre compte presque 250.000 enfants et jeunes ayant une origine d’un pays hors UE. Ce groupe arrivera sur le marché du travail au cours des vingt prochaines années. Avec une politique inchangée, nous en condamnons 150.000 à l’inactivité.
La sous-utilisation du talent étranger est due à un monstre à plusieurs têtes. Une mauvaise connaissance linguistique, trop peu de scolarisation, des attitudes inadéquates, des salaires minimums trop élevés, une mauvaise reconnaissance des diplômes, la discrimination…
L’analyse a déjà été faite, en vain, à plusieurs reprises. Une politique plus puissante est nécessaire. Le Royaume-Uni offre par exemple de meilleures chances d’entrer et d’évoluer sur le marché du travail. Ici, les migrants se heurtent à un marché du travail conçu sur mesure pour les Belges d’origine. La gauche se tait indécemment sur la limite qui rend cette migration et le maintien de la sécurité sociale inconciliables à terme.
Désamorcer la bombe à retardement démographique
La composition du flux entrant n’est également pas idéale. À peu près la moitié de la migration vers la Belgique résulte de regroupement familial. Il s’agit souvent de personnes qui ne rejoignent pas le marché du travail et ne construisent donc pas de droits sociaux, mais qui ne contribueront également jamais à la sécurité sociale.
Si les migrants coûtent de l’argent à la société, c’est parce qu’ils contribuent moins d’un point de vue fiscal, et non parce qu’ils font davantage appel aux avantages sociaux, concluait l’OCDE en 2013.
Si nous voulons désamorcer la bombe à retardement démographique avec des talents étrangers, nous avons besoin d’une politique beaucoup plus proactive pour attirer de la main-d’oeuvre plus qualifiée. Seul 1 migrant sur 10 issu d’un pays tiers à l’UE obtient une autorisation de séjour pour raison professionnelle.
Il faut que cela s’améliore rapidement, car la concurrence augmente. Les pays d’immigration traditionnels, comme les États-Unis ou l’Australie, ne sont pas les seuls à s’emparer des talents, les pays émergents comme la Turquie, l’Indonésie, le Mexique ou l’Afrique du Sud, pêchent également de plus en plus dans le même vivier.
Ce n’est plus nous qui les choisissons, ils nous choisissent. Si nous gérons mal notre propre capital humain, comment allons-nous attirer du capital humain étranger?
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