Lire la chronique d' Amid Faljaoui
La naïveté européenne, source de désindustrialisation
Et si nous parlions aujourd’hui de la naïveté des Européens ; en tout cas, celle des décideurs européens.
On sait aujourd’hui que le grand gagnant de cette guerre en Ukraine, ce sont les États-Unis. Mais ce que l’on sait moins, c’est que nos amis américains, sous prétexte de lutter contre le réchauffement climatique, ont mis en place un texte de loi qui est un véritable appel à délocaliser les industries européennes.
Quand je vous disais que les Européens sont naïfs, je vous le démontre. Mi-aout dernier, Joe Biden fait voter une loi de réduction de l’inflation (IRA en anglais), qui prévoit de consacrer 370 milliards de dollars à la réduction des gaz à effet de serre. La Commission européenne n’y voit que du feu et sa présidente applaudit même ce texte. En gros, ça revient à dire “mais que c’est sympa, après les horribles années Trump, voilà un président Joe Biden, qui lui est sympa, car il veut lutter contre le réchauffement climatique”. Donc, il a eu droit à un tweet de félicitations d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
Oui, sauf qu’aujourd’hui, avec quelques mois de recul, les Européens se rendent compte que ce texte vise, en réalité, à attirer les entreprises industrielles du monde entier pour les inciter à venir fabriquer leurs produits sur le sol des États-Unis. En fait, ce texte permet aux entreprises concernées d’obtenir des aides, des subventions, des crédits d’impôt pour décarboner l’économie américaine. Mais attention : ces cadeaux fiscaux ne peuvent être obtenus que si la production se fait sur le sol américain avec des produits assemblés sur place. Un exemple parmi d’autres : les ménages américains peuvent recevoir un coup de pouce de 7.500 dollars s’ils achètent une voiture électrique produite et assemblée aux États-Unis. Comme en plus l’énergie aux États-Unis coûte 4 à 5 fois moins cher qu’en Europe, vous avez compris que ce texte de loi est un véritable aspirateur afin d’attirer les entreprises industrielles européennes.
Même Elon Musk, le patron de Tesla, qui vote pourtant républicain, a suspendu son projet d’usine de batteries en Allemagne. Et des tas d’autres entreprises industrielles européennes sont en train de se poser la question si elles doivent encore rester sur le sol européen.
Emmanuel Macron en revenant récemment des États-Unis avait raison de dire qu’avec des amis comme les Américains, nous n’avions pas besoin d’ennemis. Et c’est vrai que le risque de délocalisation industrielle est important, et il vient au pire moment, c’est-à-dire à un moment où les Européens ont enfin compris la nécessité de réindustrialiser notre Vieux Continent. L’Allemand BASF, pour citer un exemple connu, a décidé de réduire de manière permanente la voilure en Europe. Les Français et les Allemands, deux pays avec une forte industrie, appellent les autres pays européens à une riposte forte. Bref, à ne pas se laisser prendre en tenaille entre les États-Unis et la Chine.
Mais, comme toujours, l’Europe n’arrive pas à parler d’une seule voix pour des tas de raisons. Au fond, Henry Kissinger avait raison de dire : l’Europe, quel numéro de téléphone ? Cette phrase assassine garde tout son sens. Si je veux parler au numéro un américain, j’ai besoin d’un seul numéro, celui du locataire de la Maison Blanche. Si je veux parler aux Chinois, le numéro du président suffit. Même à Moscou, il n’y a qu’un seul numéro à composer. Mais pour l’Europe, à qui dois-je parler ? Si vous avez la bonne réponse, tapez 1, comme on dit, sur les horribles répondeurs téléphoniques.
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