Rudy Aernoudt
La migration, sous l’angle économique
S’exprimer sur la problématique de la migration, c’est tomber très rapidement dans les clichés et dans les assertions hasardeuses. Pour ma part, je vais aborder la question sous un angle très économico-pragmatique, et non dogmatique.
Un migrant décide, pour l’une ou l’autre raison, de quitter sa patrie pour s’établir, temporairement ou définitivement, ailleurs. En termes de nombre de migrants, la Belgique ne diffère pas significativement du reste de l’Union européenne (UE) (je parle, ici, de personnes en provenance de pays non membres) : nous avons recensé ces dernières années un migrant par an par tranche de 1.000 habitants environ, ce qui est comparable avec ce qu’enregistrent des Etats comme les Pays-Bas, l’Allemagne ou l’Espagne. En revanche, les types de migrants sont fondamentalement différents.
Il est important de chercher à savoir pourquoi un individu décide de quitter son pays. Les raisons sont globalement au nombre de quatre : le refuge politique, le regroupement familial, les études et le travail. Or, par rapport aux autres nations européennes, la Belgique attire surtout des réfugiés politiques et des personnes désireuses de rejoindre leur famille, beaucoup moins des gens qui souhaitent y étudier ou y travailler. A titre d’illustration : sur l’ensemble des migrants arrivés chez nous entre 2008 et 2016, 78% étaient mus par les deux premières raisons, contre 22 % seulement par les deux autres et contre 45% et 55% respectivement en moyenne dans l’Union européenne ( source : Conseil supérieur du travail, 2018). Cette différence, colossale, en dit plus sur la Belgique qu’à propos des migrants, à savoir que son système fait d’elle une destination de migration par excellence pour certaines finalités, mais pas pour d’autres.
Cette situation se reflète également dans les chiffres du chômage. La Belgique est le pays membre de l’UE où le taux d’emploi (population âgée entre 20 et 65 ans effectivement au travail), parmi les migrants, est le moins élevé : 53% seulement des migrants installés chez nous ont un travail (Eurostat, 2019), un taux financièrement et sociologiquement inacceptable. Tout aussi inacceptable que le fait que la Belgique est le deuxième pays de l’Union où l’écart entre le taux d’emploi des autochtones et des allochtones est le plus élevé : 20 points de pourcentage. En d’autres termes, 73% en moyenne des Belges âgés entre 20 et 65 ans travaillent contre – nous venons de le voir – 53% des migrants. Cet écart est aussi deux fois plus élevé que la moyenne européenne puisque, dans l’Union, 74% des Européens travaillent, contre 64% des migrants installés. Nombre de pays membres (Italie, Portugal, Pologne, etc.) ne constatent même aucun écart. Seule la Suède enregistre un résultat très légèrement plus mauvais encore que la Belgique, dans la mesure où 86,5% (eh oui !) des Suédois ont un emploi, contre 66% seulement des migrants installés là-bas.
La question est donc bien moins de savoir si les migrants constituent un risque identitaire ou un enrichissement culturel que de se demander pourquoi, contrairement à la situation qui prévaut dans les autres pays de l’Union, les migrants accueillis par la Belgique travaillent peu (leur âge moyen est de 28 ans, contre 43 pour celui des Belges). Au lieu de se déchirer sur la nécessité d’ouvrir ou de fermer les frontières, nous ferions mieux de nous contraindre à remonter le taux d’emploi des migrants pour qu’il égale le nôtre. Un contrôle strict, un accès sélectif au régime de sécurité sociale (après avoir fait la preuve d’une expérience professionnelle) et une politique d’activation et d’accompagnement devraient faire en sorte que l’objectif soit atteint dès le terme de la présente législature. Le budget ne s’en porterait que mieux, les employeurs pourraient dénicher la main-d’oeuvre dont ils ont désespérément besoin et les migrants auraient enfin un moyen durable de prendre leur vie en main. Qui est contre ?
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