La loi belge de 1996 sur la norme salariale est “incompatible avec la liberté de négociation collective”

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Le conseil d’administration de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a, en approuvant les conclusions de son Comité de la liberté syndicale (CLS), donné raison à plusieurs syndicats belges, dont la CSC, et estimé que la loi belge de 1996 sur la norme salariale est “incompatible avec la liberté de négociation collective”, s’est réjouie vendredi la Confédération des Syndicats chrétiens.

Elle a, dans un communiqué, qualifié cette décision de “bombe déposée sous la loi sur la norme salariale”, au surlendemain d’une grève générale pour réclamer notamment une modification de cette loi. Celle-ci fixe, aux yeux des syndicats, un cadre jugé bien trop contraignant dans les négociations sur les salaires avec le patronat.

La Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) a pour sa part laissé entendre que cette décision risquait de remettre en cause d’autres principes, comme l’indexation automatique des salaires, une quasi-particularité belge.

La CSC et deux autres syndicats (la FGTB et la CGSLB, ndlr) avaient introduit une plainte auprès de l’OIT, une agence onusienne, contre la loi sur la norme salariale du 26 juillet 1996 – relative à la “promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité” – modifiée en 2017, sous la précédente législature.

La CSC a affirmé, dans un communiqué publié vendredi, que le CLS a conclu que cette loi “est incompatible avec la liberté de négociation collective” en vertu de la convention 98 de l’OIT, ratifié par la Belgique.

“Fort de ces constats, le CLS a enjoint au gouvernement ‘de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les partenaires sociaux peuvent décider librement des critères sur lesquels baser leurs négociations sur les évolutions de salaires au niveau intersectoriel et des résultats desdites négociations'”, a ajouté la CSC, tout en admettant que les conclusions du CLS ne sont pas juridiquement contraignantes.

Pas contraignant mais…

Le CLS est l’un des organes de contrôle de l’OIT. Sa composition est tripartite puisqu’y siègent des représentants des travailleurs, des employeurs et des gouvernements. Ce comité est chargé du contrôle du respect de la liberté d’association et de la liberté de négociation collective.

Selon la CSC, bien que les conclusions du CLS ne soient pas juridiquement contraignantes, la composition tripartite de cet organe de contrôle et l’adoption subséquente des conclusions par le Conseil d’administration de l’OIT- au sein duquel siège actuellement le gouvernement belge pour un mandat de trois ans -“donnent un poids considérable aux conclusions adoptées”.

Pour le syndicat chrétien, “le gouvernement belge se doit d’y donner suite” car la Belgique est l’un des neuf membres fondateurs de l’OIT et a toujours soutenu l’organisation et son système normatif, comme l’a rappelé la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, en commission de la Chambre.

“Le temps est donc aujourd’hui venu pour le gouvernement de joindre la parole aux actes et de donner suite aux conclusions dressées par le CLS en mettant fin à la restriction significative de la capacité des partenaires sociaux à négocier de manière autonome l’évolution du niveau des salaires du secteur privé en procédant à la révision de la loi de 1996″, ajoute la CSC.

“Une violation de la Convention 98”

Le syndicat juge “inconcevable” que le gouvernement belge se retranche derrière le refus des organisations patronales belges pour s’opposer à toute modification de la loi de 1996.

Pour la CSC, le gouvernement belge se doit de respecter la Convention 98 de l’OIT et les conclusions du CLS qu’il a lui-même adoptées au conseil d’administration de l’OIT.

“A défaut d’action décisive de la part du gouvernement, les syndicats continueront à dénoncer la violation de la Convention 98 par le gouvernement belge tant que la loi de 1996 ne sera pas modifiée. Les juges nationaux devront tenir compte des constats dressés par le CLS quant à la non-conformité de la loi de 1996 au regard de la Convention 98″, a encore prévenu la CSC.

La Fédération des entreprises de Belgique a pour sa part immédiatement souligné qu’en vertu de recommandation du CLS, “les partenaires sociaux doivent pouvoir décider librement des critères sur lesquels baser leurs négociations sur les évolutions de salaires”.

“Cela renvoie non seulement à la loi sur la norme salariale mais aussi à l’indexation automatique” des salaires, ont affirmé le CEO de la FEB, Pieter Timmermans, et la directrice générale de la fédération patronale, Monica De Jonghe, dans un communiqué.

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