“La Grèce est devenue un champ d’expérimentation de l’austérité: l’expérience a échoué”
Pour le Premier ministre grec Alexis Tsipras, “le choix du peuple grec n’était pas la rupture mais le retour aux principes fondateurs de l’UE, des principes de démocratie, de solidarité, de respect mutuel et d’égalité”, a-t-il déclaré aux députés européens ce mercredi matin à Strasbourg.
Alexis Tsipras s’exprimait à la suite de la victoire du ‘non’ dimanche dernier, à l’occasion du référendum sur les propositions de réformes des créanciers de son pays (UE, FMI, BCE), et l’échec d’un sommet de la zone euro mardi soir. Le chef du gouvernement a expliqué que le message des Grecs était de rompre avec la trajectoire d’austérité qui leur a été imposée ces cinq dernières années, tout en plaidant pour une solution durable à la dette de son pays.
“Les politiques douloureuses d’austérité mises en place n’ont nulle part ailleurs été aussi dures et longues qu’en Grèce, mon pays est devenu un champ d’expérimentation de l’austérité. Il faut voir la réalité en face: l’expérience a échoué”, a lancé le dirigeant de gauche Alexis Tsipras aux élus européens.
“Nous sommes déterminés à ne pas chercher l’affrontement avec l’Europe mais à nous en prendre aux mentalités qui ont enfoncé la Grèce et l’eurozone avec elles”, a précisé le chef du gouvernement hellène. Il a plaidé pour restructurer la dette du pays, assurant que ses propositions à cet égard ne représenteraient pas un fardeau pour les contribuables européens.
La question d’une dette durable ne devrait pas être un tabou a encore lancé M. Tsipras. “Ce qu’on a coutume d’appeler la “crise grecque” est l’incapacité collective de la zone euro à trouver une solution à une crise de la dette qui s’auto-alimente. Ce n’est pas un problème grec, c’est un problème européen qui nécessite des solutions européennes.”
Si M. Tsipras s’est dit “confiant” qu’une solution serait trouvée dans les prochains jours avec les créanciers du pays, il a toutefois été avare en détails concrets sur les propositions qu’Athènes formulerait à cette fin. Il s’est borné à pointer du doigt la corruption, le clientélisme et l’évasion fiscale, nourris pas les précédents gouvernements, comme racine de la crise de l’endettement.
L’intervention de M. Tsipras, à la fois applaudi et hué par les eurodéputés, a donné lieu à un débat chahuté au sein de l’hémicycle strasbourgeois marquant les divisions entre factions. Très critique, le président du groupe majoritaire conservateur, l’allemand Manfred Weber a estimé que la politique que Tspiras était indigne, l’accusant encore de mentir à son peuple.
Le chef de file libéral, Guy Verhofstradt, a également vertement sermonné le dirigeant grec l’exhortant à présenter un paquet de réformes “crédible” dans les 48 heures, notamment pour s’attaquer au clientélisme, à la corruption, et à la fonction publique pesante. “Vous nous parlez de réformes mais nous n’en voyons pas la couleur.”
“Nous n’accepterons jamais un ‘Grexit’. L’Europe sans la Grèce n’est pas l’Europe”, a en revanche déclaré beaucoup plus modéré, l’italien Gianni Pitella, leader des socialistes au Parlement européen. Il a abondé dans le sens de M. Tsipras en exigeant une conférence européenne dédiée au problème de la dette et de sa mutualisation. Pour la mouvance écologiste, l’autrichienne Rebecca Harms a aussi appelé à “rompre avec une politique erronée de la dette”, tout en rappelant la nécessité de réformes en Grèce.
Le Premier ministre grec s’exprimait le lendemain d’un sommet de la zone euro à l’issue duquel les 18 leaders européens ont lancé un dernier ultimatum à Athènes. D’ici dimanche, date d’un nouveau sommet européen, un terrain d’entente pour des réformes contre de l’argent frais devra être dégagé entre le gouvernement grec et ses créanciers, sans quoi la menace du “Grexit” risque de se formaliser.
Une demande formelle d’une nouvelle aide financière, sous forme d’un troisième plan de sauvetage, au titre du Mécanisme européen de stabilité (MES), a été soumise par la Grèce en fin de matinée.