Lire la chronique d' Amid Faljaoui
La Chine, la guerre nucléaire et l’amour de son prochain
La guerre en Ukraine suscite beaucoup de commentaires plus ou moins avisés notamment à l’égard de la Chine. Pékin a en effet affirmé récemment que Moscou est son partenaire le plus stratégique.
Osons l’écrire, ça, c’est pour la forme. En pratique, la Chine joue à l’équilibriste et ne fait rien qui pourrait fâcher les Américains. D’abord, parce que les dirigeants chinois ont une vue à très long terme : ils veulent être les leaders économiques et politiques de la planète, mais en 2049. A cette date-là, on fêtera le centenaire de la création de la République populaire de Chine.
Mais d’ici là, la Chine ne fera rien qui pourrait l’affaiblir. Bien sûr, pour des raisons de propagande, elle voudrait éviter que la Russie ne s’effondre sous le coup des sanctions économiques occidentales. Pas par charité chrétienne, mais parce qu’un effondrement de la Russie encouragerait les pays occidentaux à prendre des mesures similaires, voire plus fortes à l’égard de la Chine. Et puis, comme la Chine soutient la Russie, du moins en parole, elle n’a pas envie que la Russie fasse faillite et qu’elle soit obligée de soutenir économiquement la Russie en raison de son “amitié”. En tout cas c’est l’avis de Steve Tsang, professeur au SOAS China Institute de Londres.
N’oublions pas non plus que la Chine regarde d’abord ses intérêts dans cette triste histoire, elle n’a pas envie que Joe Biden, le président américain l’ajoute dans la liste des pays infréquentables alors que son économie est en plein ralentissement et que le baril de pétrole est au sommet. Autrement dit, il n’est pas question pour la Chine de violer ouvertement les sanctions économiques américaines et européennes contre la Russie. La Chine a une vision de long terme et elle sait qu’elle doit sauvegarder ses accès aux technologies occidentales et surtout aux marchés occidentaux. En clair, comme l’écrivent mes confrères de L’EXPRESS, Pékin n’a pas envie de se faire dicter son agenda par “l’ami” Poutine, car pour les Chinois, le temps de la confrontation directe avec les Américains n’est pas encore venu”.
Mais certains lecteurs pourraient se dire que, fichu pour fichu, Poutine pourrait activer l’arme nucléaire comme il menace souvent de le faire. Or, justement à ce propos, mes confrères de L’EXPRESS ont eu la très bonne idée d’interviewer George Friedman, un expert américain en géopolitique très connecté avec les milieux militaires américains. Que dit-il en substance ? Primo, que la Chine discute déjà avec les Etats-Unis sans le dire aux Russes. En fait, les Chinois ont compris que la Russie était incroyablement surestimée sur le plan militaire, car elle n’est même pas capable d’envahir l’Ukraine malgré la disproportion des forces en présence. Au demeurant, l’enlisement des Russes en Ukraine démontre le bienfondé de cet adage connu des militaires : “les amateurs parlent de stratégie et les professionnels parlent de logistique“.
Le deuxième enseignement, c’est qu’un conflit nucléaire n’aura pas lieu selon George Friedman parce “c’est le seul type de guerre dans laquelle celui qui utilise cette arme est certain de perdre lui-même la vie et de faire tuer tous ses proches, ses enfants, ses petits-enfants, tous les gens qu’il aime. Dans tous les autres types de guerres, ceux qui la déclenchent mettent leur famille à l’abri, mais là, c’est impossible, car toute initiative nucléaire russe entrainerait une riposte américaine”. Et George Friedman ajoute que même si cette idée de guerre nucléaire devait traverser l’esprit de Poutine, ses généraux l’en empêcheront et lui diront “vous êtes en train de nous dire que nous devons tuer nos propres enfants et petits-enfants !”
Et donc, selon ce spécialiste militaire respecté mondialement : “de manière curieuse, c’est donc l’amour de son prochain qui empêche la guerre nucléaire”.
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