La BCE prête à baisser à nouveau ses taux jeudi, la suite incertaine

Christine Lagarde, BCE © Getty Images

La baisse de l’inflation et la faiblesse de l’économie en zone euro justifient une nouvelle baisse des taux d’intérêt que la BCE devrait acter jeudi, sans s’engager sur le rythme de sa politique d’assouplissement monétaire.

L’institut monétaire a baissé ses taux en juin pour la première fois depuis 5 ans, après une phase de renchérissement du crédit sans précédent pour lutter contre une inflation exceptionnellement élevée, suite notamment à la guerre russe en Ukraine. Un mois plus tard, sa présidente Christine Lagarde tempérait les ardeurs et prônait la vigilance, justifiant une pause sur les taux par le chemin “cahoteux” de l’inflation. Mais l’été a renforcé les attentes de nouvelles baisses de taux, susceptibles de desserrer l’étau du crédit pour les ménages et les entreprises.

L’inflation a ralenti à 2,2% sur un an en août dans la zone euro et est même passée sous la cible de 2% dans les deux principales économies, la France et l’Allemagne, au moment où les hausses de salaires commencent à décélérer. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a déclaré fin août qu’une nouvelle baisse des taux de la BCE en septembre, après celle de juin, serait “juste et sage”.

Autre élément qui joue en ce sens, la croissance économique dans la zone euro a été révisée légèrement en baisse à 0,2%, pour le deuxième trimestre 2024, a indiqué vendredi l’agence de statistiques européenne Eurostat. De quoi alimenter les craintes sur l’affaiblissement de l’économie, au moment où l’Allemagne traverse une mauvaise passe et voit son Produit intérieur brut (PIB) reculer.

“Colombes” vs “faucons”

Jeudi, la BCE devrait donc selon toute attente baisser pour la deuxième fois le taux de dépôt, qui fait référence parmi ses trois taux directeurs et sert de base pour les conditions de crédit appliquées par les banques à l’économie. Ce taux devrait être abaissé de 25 points de base, pour passer à 3,50%. La discussion au sein du conseil des gouverneurs de la BCE portera aussi sur la suite à donner à l’assouplissement monétaire. Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE rangée parmi les “faucons” qui prônent une approche restrictive de la politique monétaire, a récemment appelé à un assouplissement “progressif et prudent”. Elle a rappelé que “l’inflation intérieure”, c’est-à-dire celle des biens et services produits localement, “reste élevée à 4,4%” en zone euro, en grande partie à cause des prix élevés dans les services. Chez les “colombes”, adeptes d’une approche plus souple, Piero Cipollone, autre membre du directoire, a souligné le “risque” d’être “trop restrictif”, alors que l’économie chancelle et que l’investissement patine, dans un entretien au Monde.

Christine Lagarde analysera jeudi les risques liés à la croissance et à l’inflation, mais elle devrait maintenir le principe de l’institut de s’appuyer sur les données pour agir sans s’engager à l’avance sur une trajectoire définie, selon les observateurs. Il n’y a pas besoin de changer le “récit sur la dépendance aux données (qui) a fonctionné” jusqu’à présent, observe Carsten Brzeski, chez ING.

Discipline budgétaire

Le Conseil des gouverneurs aura jeudi en main un nouveau jeu de prévisions macroéconomiques trimestrielles. “Une révision à la baisse de la croissance ou de l’inflation augmenterait la probabilité d’une accélération des baisses de taux, tandis qu’une révision à la hausse pousserait les faucons à demander moins de réductions supplémentaires”, analyse M. Brzeski.

La BCE soulignera aussi, comme toujours, l’importance d’une mise en œuvre rapide et complète des nouvelles règles budgétaires de l’UE, pour aider à garantir la stabilité des prix. Le message devrait surtout retentir aux oreilles du nouveau Premier ministre français, Michel Barnier, un pro-européen qui devra rassurer Bruxelles sur la réduction du déficit public de la France, encore bien au-dessus des limites fixées par le cadre européen.

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