Euroclear, le géant financier belge spécialisé dans le règlement livraison et le dépôt de titres, vient de publier ses derniers résultats, qui témoignent une fois encore de la robustesse de ses performances.
Au cours des trois premiers trimestres de cette année, le groupe Euroclear a réalisé un résultat opérationnel de 2,2 milliards d’euros, très légèrement supérieur aux 2,19 milliards engrangés lors des 9 premiers mois de 2024. Son bénéfice net atteint 845 millions d’euros, soit un peu moins qu’en 2024 (882 millions). Mais évidemment, ce sont les dernières nouvelles concernant les avoirs russes immobilisés auprès du grand dépositaire qui retiennent l’attention.
Les revenus considérables des avoirs russes
Pour Euroclear, l’impact des sanctions sur la Russie se manifeste principalement par la génération d’intérêts sur les actifs sanctionnés, mais aussi par des coûts directs et une obligation de contribution aux fonds européens.
Voyons d’abord le côté recettes : les actifs russes sanctionnés (193 milliards d’euros inscrits au bilan d’Euroclear) génèrent des revenus d’intérêts considérables qui ont atteint 3,9 milliards d’euros pour les neuf premiers mois de cette année. C’est énorme, mais cela représente toutefois une baisse de 25 % par rapport à l’année précédente. Elle s’explique principalement par la baisse des taux d’intérêt.
En contrepartie, les sanctions russes et les contre-mesures ont entraîné des coûts directs s’élevant à 82 millions d’euros depuis le début de l’année, à quoi s’ajoute une perte de revenu d’exploitation de 25 millions d’euros.
2,6 milliards provisionnés pour l’Ukraine
Euroclear est tenu de provisionner et de verser une grande partie de ces intérêts sur les avoirs russes. En mai de l’an dernier, la Commission européenne a adopté une nouvelle réglementation relative à une contribution sur les bénéfices exceptionnels des dépositaires d’avoirs russes et touchant plus spécialement les profits générés par le réinvestissement de ces avoirs gelés. Ceux-ci doivent être versés, depuis février 2024, au Fonds européen pour l’Ukraine.
Pour les 9 premiers mois de l’année, Euroclear a donc provisionné 2,6 milliards d’euros, et a déjà payé 1,6 milliard à la Commission en juillet. Un second paiement est attendu au début de l’année prochaine.
Si l’on tient compte du versement de juillet et des versements antérieurs, ce sont 5 milliards d’euros qui ont déjà été apportés par Euroclear à l’Ukraine jusqu’à présent.
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Tampon en cas de coup dur
Que fait Euroclear des résultats générés par les avoirs russes et qui ne sont pas versés au fonds de soutien pour l’Ukraine ? Le groupe les met en réserve afin de se constituer un tampon « contre les risques actuels et futurs ». Euroclear fait face en effet à de multiples procédures judiciaires devant les tribunaux russes. Étant donné que la Russie ne reconnaît pas les sanctions internationales et les considère comme contraires à l’ordre public, la probabilité de jugements défavorables est élevée. Les plaignants russes cherchent à accéder aux actifs bloqués en réclamant un montant équivalent en roubles russes et en faisant exécuter leur réclamation en Russie.
Mais le risque principal pourrait survenir si, comme le veulent une majorité de pays européens, les avoirs russes devaient être mobilisés pour servir de garantie à un emprunt massif au profit de l’Ukraine. Un emprunt qui, idéalement, serait couvert par l’indemnisation que la Russie consentirait en dommages de guerre versés à l’Ukraine. Mais si ce n’est pas le cas, ces avoirs pourraient être confisqués, entraînant une saga juridique qui pourrait compromettre directement les intérêts belges si la Belgique est considérée par la Russie comme la responsable de cette saisie.
C’est ce qui explique la grande réticence exprimée par le Premier ministre Bart De Wever, mais aussi par la présidente de la BCE Christine Lagarde, devant ce scénario de saisie, à moins que les États membres de l’Union européenne se montrent solidairement responsables et assument le risque.
Le dossier sera rediscuté entre États membres en décembre.