Johan Van Overtveldt: “Utilisez le fonds de relance européen pour nous libérer de notre dépendance énergétique”
Les dirigeants des 27 États membres de l’UE se réunissent aujourd’hui à Versailles. Le sommet informel avait déjà été programmé par le président français Emmanuel Macron, mais le moment ne pourrait pas être plus mal choisi, car l’Europe est confrontée à bien des questions existentielles en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L’Union européenne souhaite, par exemple, renforcer rapidement la défense et réduire sa dépendance énergétique face à la Russie, notamment en accélérant le recours aux énergies renouvelables. Cependant, il faut beaucoup d’argent pour financer ces plans. Dans les couloirs de l’Europe, il est question de créer plusieurs nouveaux fonds de plusieurs milliards de dollars. Ceux-ci seraient destinés à couvrir les besoins en matière de défense et d’énergie. Ils seraient financés par la dette commune, à l’instar du fonds de relance de 750 milliards d’euros créé pour amortir l’impact économique de la pandémie. Cela pourrait signifier la percée d’une union budgétaire européenne, mais tous les États membres ne soutiennent pas ces plans. Johan Van Overtveldt (N-VA), président de la commission du budget du Parlement européen, plaide également en faveur du réalisme et d’un ajustement stratégique du fonds de relance, déjà existant, de 750 milliards d’euros.
Faut-il créer des fonds européens pour financer les besoins de l’Europe en matière de défense et d’énergie ?
JOHAN VAN OVERTVELDT. “La seule chose que l’Union européenne peut apparemment faire, c’est de créer de nouveaux fonds. Mais le fonds de relance de 750 milliards d’euros n’a pas encore été entièrement dépensé ; seuls 10 à 15 milliards d’euros l’ont été. Le reste sera alloué dans les prochains mois. Cela va apporter un soutien énorme à l’économie européenne. De même, le fonds de recouvrement est loin d’avoir été entièrement utilisé. Ce fonds se compose de 400 milliards d’euros d’aide directe aux États membres et de 350 milliards d’euros de prêts bonifiés vers ceux-ci. Toutefois, les États membres les plus grands et les plus forts économiquement n’ont guère envie d’accepter ces prêts, car ils peuvent eux-mêmes emprunter à des conditions encore plus avantageuses sur les marchés obligataires. Ainsi, 250 milliards d’euros du fonds de recouvrement restent inutilisés à l’heure actuelle.
Comment le fonds de recouvrement pourrait-il être mieux utilisé?
VAN OVERTVELDT. “Adaptons la conception du fonds pour réaffecter les 250 milliards d’euros non utilisés. Nous pouvons utiliser cet argent pour renforcer l’interconnexion sur les marchés européens de l’énergie. Il y a suffisamment de gaz naturel dans le monde, et l’Europe a la capacité d’importer beaucoup plus de GNL, mais il n’y a pas assez de pipelines pour l’acheminer sans encombre jusqu’aux consommateurs. Une meilleure connexion entre les marchés européens de l’énergie est la clé pour amener Poutine à répondre à nos besoins énergétiques. Nous ferions d’une pierre deux coups. Nous soutiendrions l’économie et renforcerions l’indépendance énergétique de l’Europe.
N’est-ce pas le moment de construire une union fiscale européenne, qui, à terme, est indispensable pour soutenir l’euro ?
VAN OVERTVELDT. “Vous ne pouvez pas tout faire en même temps et surtout vous avez intérêt à faire les choses correctement. Le plus important aujourd’hui est de nous libérer du noeud énergétique que Poutine nous a passé autour du cou. C’est une priorité. Le fonds de recouvrement est déjà financé par une émission de la dette commune. Nous devrons le rembourser avec nos propres recettes européennes ou en augmentant les contributions des États membres à l’UE. 750 milliards d’euros, ce n’est pas un petit montant. Vous devez être réaliste quant à ce qui est faisable. Ce que nous devons faire maintenant, c’est de rester en rangs serrés et faire face à Poutine tous ensemble.
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