Jean Hindriks: “L’écart entre dépenses sociales et cotisations ne cesse de croître, c’est intenable”
Le professeur de l’UCLouvain met en garde contre les montants de plus en plus importants dépensés par l’Etat pour combler le trou de la Sécu. Le vieillissement de la population n’est pas seul en cause, insiste-t-il: le montant des pensions et le travail des jeunes inquiètent. “Il est temps que les gens comprennent que nous devrons tous faire un effort. On ne pourra pas résoudre cela en concentrant cela sur ce que l’on nomme les épaules les plus larges”, dit-il.
Jean Hindriks, professeur à l’UCLouvain, est l’un des grands spécialistes belges des pensions. Il vient de publier un manuel des finances publiques” (éd. politeia) dans lequel il met en garde contre un dérapage alarmant des dépenses sociales dans notre pays.
En quoi l’évolution des dépenses sociales, en soins de santé et pensions, vous inquiète-t-elle?
Le problème, c’est le décrochage structurel entre ces dépenses et les cotisations qui devraient les financer. On parle en dizaines de milliards et le fossé ce ne cesse de se creuser (cfr graphique). Le trou est comblé par des subventions de l’Etat et du financement alternatif, notamment des recettes TVA, mais cela ne peut pas durer.
Le vieillissement de la population est en cause?
Cela explique en partie cette évolution, oui, mais ce n’est pas la seule raison. Le montant de la pension moyenne augmente et fait déraper les dépenses autant que le nombre croissant de personnes partant à la retraite. C’est l’effet des deux combiné qui doit être pris en considération.
Ne prend-on pas la mesure de la gravité de la situation?
La conséquence, je l’ai dit, c’est que l’on doit prélever chaque année des milliards dans le budget de l’Etat pour combler ce trou. On ne peut pas faire cela indéfiniment. Il faut maîtriser la croissance de ces dépenses et trouver une façon d’augmenter les cotisation. En d’autres termes, augmenter de façon substentielle le taux d’emploi. Et à ce titre, deux signaux sont alarmants: ce taux diminue chez les jeunes et chez les hommes, ce n’est pas seulement une question liée aux fins de carrière.
Le gouvernement fédéral en gestation s’attaque à tout cela?
La réforme des pensions est sur la table, mais il est temps que les gens comprennent que nous devrons tous faire un effort. On ne pourra pas résoudre cela en concentrant cela sur ce que l’on nomme “les épaules les plus larges”. C’est notre contrat social qui est déficitaire, il faut le refinancer. C’est un effort collectif à réaliser pour éviter que la dette ne continue à exploser. On n’y arrivera pas en grattant les dépenses publiques.
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