Finalement, combien a coûté la grève de trois jours à l’économie belge ?

Grève nationale
Trois méthodes, très différentes, pour calculer le coût d’une grève. © Belgaimage
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Bien que les méthodes de calcul soient nombreuses, c’est, à la grosse louche, le manque à gagner subi par l’économie du pays qui compte. Explications…

“Quand on veut être entendu, il faut faire mal à l’économie”, disait Thierry Bodson sur RTL voici quelques mois. Alors, quelle a été la douleur ressentie par l’économie au terme des trois jours de grève qui ont perturbé le pays entre le 24 et le 26 novembre dernier ? Après avoir entendu des estimations allant dans tous les sens, essayons à présent d’y voir plus clair.

Comment calculer le coût d’une grève ?

En gros, il y a trois méthodes pour calculer le coût d’un mouvement de grève. La première est d’additionner les pertes déclarées par les acteurs touchés. Par exemple, le Voka estime qu’un jour de grève à l’aéroport de Zaventem représente 25 millions d’euros de perte pour l’économie, si l’on tient compte des impacts sur le tourisme, le fret, etc. Si l’on additionne les pertes des divers secteurs de l’économie – transports, industrie, commerce… – la facture quotidienne d’une grande journée de grève nationale peut aller de 300 à 600 millions.

La deuxième méthode consiste à prendre en compte le nombre de grévistes, à le multiplier par le salaire journalier moyen et y adjoindre un coefficient multiplicateur pour estimer les perturbations sur l’ensemble des chaînes d’activité. Si ces trois derniers jours de grève ont rassemblé de 300 à 500.000 grévistes, et si le salaire brut moyen est de 200 euros par jour, et si on applique un coefficient multiplicateur de 5, on arrive à 500 millions sur les trois jours, soit environ 165 millions par jour.

Toutefois, on préfère en général un troisième mode de calcul, qui repose sur le PIB, c’est-à-dire la richesse créée. On va alors estimer le manque à gagner causé par ces arrêts de travail. Prenons le cas de la Wallonie : “Son PIB est de 136 milliards d’euros, réparti sur 277 jours de travail – on tient compte en partie du travail le week-end dans certains secteurs –, explique Jean-Christophe Dehalu, qui dirige le pôle compétences d’AKT for Wallonia. En faisant l’hypothèse de 20% de l’activité à l’arrêt, le coût par jour de grève pour l’économie wallonne est de 100 millions d’euros, dit-il. C’est une estimation à la grosse louche, mais elle donne un ordre de grandeur.”

450 millions par jour

Pour le pays, dont le PIB dépasse 610 milliards, la facture est donc de 450 millions par jour, et l’impact de ces trois jours serait donc de 1,4 milliard d’euros environ. Ces estimations sont évidemment très dépendantes de l’hypothèse de départ – table-t-on sur 10, 20, 30% de l’activité à l’arrêt ? – et ne prennent pas en compte une série de paramètres, comme un possible effet de rattrapage des journées de travail perdues, ni les effets saisonniers (par exemple, une grève lors de cette semaine de Black Friday a été plus durement ressentie dans les commerces), ni l’impact indirect sur les 80% de travailleurs qui n’étaient pas à l’arrêt, mais qui ont subi des retards dans les transports…

Elles ignorent aussi les effets de réputation. “Au-delà du coût direct, il y a aussi l’image que ce mouvement renvoie d’une région ou d’un pays comme le nôtre qui ne brille déjà pas sur la scène mondiale”, observe Jean-Christophe Dehalu. En 2023 par exemple, la Wallonie avait connu plus de 210.000 jours de grève, Bruxelles, 85.000, et la Flandre, 113.000. “Si l’on met cela en parallèle avec le nombre d’investissements étrangers que nous avons péniblement réussi à attirer cette année sur notre territoire, on se dit que l’on se passerait bien de ces statistiques qui n’aident pas au narratif”, conclut-il.

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