Gouvernement Bayrou: personne n’y croit vraiment

Francois Bayrou © Getty
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Combien de temps durera en France le gouvernement présenté lundi par François Bayrou et qui a les mêmes faiblesses que celui de Michel Barnier ? Passera-t-il la première motion de censure, déjà annoncée pour le 14 janvier par La France Insoumise ?

Le gouvernement annoncé ce lundi par François Bayrou compte 36 ministres et secrétaires d’Etat. On y retrouve 19 membres du gouvernement précédent qui était piloté par Michel Barnier. La plupart de ces repêchés conservent leur poste : Bruno Retailleau (LR) reste au ministère de l’Intérieur, Rachida Dati à la Culture, Sébastien Lecornu aux Armées, Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères. On voit réapparaître l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne (Education) et le controversé Gérald Darmanin (Garde des Sceaux). Est-ce pour tenter d’amadouer la gauche ou lui faire un pied de nez ? François Bayrou est allé chercher trois transfuges du PS : l’inoxydable Manuel Valls (Outre-mer) et François Rebsamen (collectivités locales) et une inconnue, Juliette Méadel (ministère de la Ville). Seule surprise, Éric Lombard, qui vient de la Caisse des dépôts, aura la lourde tâche de diriger le ministère des Finances et de s’atteler au redressement des comptes publics.

Consternation

“Recyclages, provocations, soumission, consternation”, s’indigne à gauche Boris Vallaud, qui préside les députés socialistes. “Provocation”, c’est aussi le mot lâché par le premier secrétaire Olivier Faure. On est loin en effet de la promesse qui avait été faite par François Bayrou de faire une place équitable à la gauche modérée (le PS), à la droite et aux partisans du Président Emmanuel Macron.

Selon Europe Écologie Les Verts, c’est un “gouvernement de sinistres revenants, adoubé par le RN et méprisant pour les femmes”.

Et du côté des Insoumis, la cheffe du groupe, Mathidle Panot, sonne l’hallali : “Ce gouvernement n’a qu’un seul avenir : la censure. Avec la chute de Bayrou, le roi Macron sera nu. Son départ est inéluctable. “

On n’est pas plus tendre à l’extrême droite : « c’est une coalition de l’échec », estime Jordan Bardella, du Rassemblement national.

Et même au centre, des anonymes s’interrogent. “Des poids lourds du passé, des gens qui ont été ou qui ont perdu. Pas un socialiste d’aujourd’hui. Un attelage en décalage majeur avec l’Assemblée nationale après la dissolution », relate une députée à un journaliste de France Info.

Et au sein de la droite qui avait rejoint le gouvernement Barnier, le soutien n’est même pas acquis en totalité : “Après une parenthèse de trois mois, durant lesquels j’ai soutenu le gouvernement de Michel Barnier, je suis à nouveau dans l’opposition”, avertit le sénateur LR Cédric Vial.

Vieux de la vieille

La presse française ne semble pas trop y croire non plus. C’est “le pari des vieux de la vieille. Un gouvernement de revenants”, juge Libération. Le Monde parle d’un gouvernement “aux airs de déjà-vu, loin des promesses d’ouverture”.  “Bayrou mise sur l’expérience pour tenter de durer”, titre pour sa part un Figaro dubitatif, dont l’éditorialiste estime que “François Bayrou a le choix entre retarder un peu la chute ou faire mentir, par un mélange d’ingéniosité et de ténacité, la sentence implacable des Français qui ne manquera pas d’être prononcé autour de la bûche contre Emmanuel Macron”. On a connu de plus farouches partisans.

Du côté de la presse économique, Les Echos pointent déjà “un gros couac”. “Avant même l’annonce officielle, Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, a fragilisé d’emblée la nouvelle équipe. François Bayrou lui avait promis le ministère de la Justice, mais le veto du Rassemblement national (RN) à sa nomination a fait changer d’avis le Premier ministre”. “En dépit de ses nouvelles propositions, je refuse de participer à un gouvernement de la France formé avec l’aval de Marine Le Pen”, a estimé Xavier Bertrand dans un communiqué. Xavier Bertrand qui est un des rares à s’opposer avec succès au RN dans le Nord.

Motion de censure

Perseverare diabolicum ? En reprenant en grande partie la recette qui n’a pas fonctionné avec Michel Barnier de faire un gouvernement sans véritablement s’ouvrir à d’autres factions politiques que celles qui soutiennent l’actuel Président, François Bayrou s’est engouffré dans le même chemin très étroit et terriblement risqué que Michel Barnier. Avec, on le craint, la même issue. Déjà, Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise déposeront déjà une motion de censure le 14 janvier. Et comme avec le gouvernement précédent, c’est le RN qui fera l’arbitre. Or, Marine Le Pen a déjà prévenu : le gouvernement Bayrou « s’appuie comme le précédent sur une absence manifeste de légitimité et une majorité introuvable. Il va devoir changer de méthode, écouter et entendre les oppositions pour construire un budget qui prenne en compte les choix exprimés dans les urnes ». Mais si ce nouveau gouvernement devait à nouveau tomber, la France s’enfoncerait dans une crise profonde.

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