France : le départ à la retraite reporté à 64 ans dès 2030, d’intenses manifestations en vue
Le gouvernement français a dévoilé mardi sa réforme des retraites, dont la mesure phare sera l’allongement de l’âge de départ à 64 ans, contre 62 aujourd’hui, ce qui augure d’intenses manifestations.
“Nous proposons que celles et ceux qui le peuvent travaillent plus longtemps (…) Ce choix, c’est aussi celui qu’ont réalisé tous nos voisins européens”, a annoncé la Première ministre Elisabeth Borne lors d’une allocution télévisée. Le projet prévoit d’augmenter l’âge légal progressivement jusqu’en 2030, jusqu’à atteindre 64 ans.
“J’ai bien conscience que faire évoluer notre système de retraite suscite des craintes et des interrogations chez les Français. Nous voulons y répondre et convaincre“, a-t-elle poursuivi, défendant l'”ambition de justice et de progrès” de son gouvernement.
Les huit principaux syndicats devraient appeler à une première journée de manifestation et de grèves le 19 ou le 24 janvier face à ce plan auquel le président Emmanuel Macron s’était engagé dès la campagne de son premier mandat et qui est une des réformes cruciales de son second mandat, pour lequel il ne dispose pas d’une majorité franche au Parlement.
“Une réforme injuste”
Elisabeth Borne s’est d’ailleurs dite prête à “faire encore évoluer” la réforme “grâce à un débat parlementaire loyal et constructif”. La cheffe de l’extrême droite Marine Le Pen a réagi en disant vouloir “faire barrage” à “une “réforme injuste”, tandis que le parti de gauche radicale La France insoumise a dénoncé une “grave régression sociale”.
“On revient à ce qu’ont connu nos anciens, c’est-à-dire qu’après le travail, c’est le cimetière“, avait dénoncé le patron du syndicat CGT, Philippe Martinez. D’après l’Institut français de statistique, un quart des hommes les plus pauvres sont déjà morts à 62 ans.
La France a connu depuis une trentaine d’années une série de grandes réformes de ses systèmes de retraite, presque toutes assorties d’importants mouvements sociaux, pour répondre à la dégradation financière de ses caisses et au vieillissement de la population.
Pour chaque Français de 65 ans et plus, on en dénombre actuellement 2,6 âgés de 20 à 64 ans. Mais ils ne seront plus que 2,25 en 2030 et moins de 2 en 2040, ce qui met en péril le modèle de retraite dite “par répartition”, dans lequel les cotisations des actifs paient justement les pensions des retraités. La réforme des retraites prévoit aussi d’accélérer l’allongement de durée de cotisations, avançant à 2027 l’exigence de 43 années de cotisations pour une pension à taux plein au lieu de 2035, selon le dossier de presse du gouvernement. En échange, la pension minimum sera revalorisée pour tous les retraités, actuels ou futurs, a annonce Mme Borne.
La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient complètement comparables. C’est 65 ans en Allemagne et en Espagne, 67 ans au Danemark selon le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, un organisme public français. En Belgique, il est fixé à 65 ans jusqu’au 1er janvier 2025, puis sera progressivement relevé. Il passera ainsi à 66 ans jusqu’au 1er janvier 2030 avant de monter à 67 ans à partir du 1er février 2030. Mais la mesure d’âge reste fortement impopulaire. Plus de deux tiers des Français (68%) sont défavorables au report à 64 ans, selon un sondage Ifop-Fiducial.
La réforme des retraites françaises dégagera près de 18 milliards d’euros en 2030
La réforme des retraites présentée mardi par le gouvernement français “apportera 17,7 milliards d’euros en 2030 aux caisses de retraites”, a indiqué le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire.
Les recettes dégagées grâce à la réforme feront plus que compenser les “13,5 milliards d’euros” de déficit que le régime de retraite aurait connu en 2030 en l’absence de réforme.
Selon ses calculs, l’exécutif disposera donc d’une cagnotte de 4,2 milliards d’euros pour financer des mesures d’accompagnement. Quelque 3,1 milliards d’euros serviront à financer les départs en retraite anticipés pour inaptitude ou invalidité, a détaillé Bruno Le Maire. Les mesures pour mieux prendre en compte la pénibilité et les carrières longues, couplées à la revalorisation à près de 85% du Smic (soit environ 1.200 euros) des petites pensions pour les nouveaux retraités, coûteront pour leur part 1,7 milliard d’euros.
“Le total de ces mesures complémentaires représente 4,8 milliards d’euros”, a souligné Bruno Le Maire. Les 600 millions manquants seront donc financés “par un transfert de cotisations de la branche accidents du travail” de la Sécurité sociale, “qui est excédentaire, vers la branche retraites, qui est déficitaire”. D’ici 2030, “cela permettra de garantir l’équilibre financier de notre système de retraite de répartition“, a conclu Bruno Le Maire. Le gouvernement compte également revaloriser dès 2023 les pensions des actuels retraités, mais n’a pas inclus cette mesure à ce stade dans ses calculs.
Le relèvement de ces pensions coûtera “de l’ordre d’un milliard d’euros”, a précisé Elisabeth Borne. “Nous pensons que ça peut être financé dans le cadre d’une solidarité” entre branches de la Sécurité sociale, a-t-elle ajouté. “Aucun déficit n’est négligeable. Chaque euro compte pour un État qui a [près de] 3.000 milliards d’euros de dette”, a martelé Bruno Le Maire. Selon les dernières données de l’Insee publiées mi-décembre, la dette publique de la France s’élevait à 113,7% du PIB, soit 2.957 milliards d’euros, à la fin du troisième trimestre 2022.