Quand Ineos devient un point de discorde entre la Flandre et les Pays-Bas
Les recours introduits par les Pays-Bas contre l’installation d’Ineos à Anvers sont-ils des appels à juger les projets proches d’une frontière selon des normes identiques de part et d’autre ?
Les choses auraient-elles été différentes si Ineos avait choisi d’installer son craqueur d’éthane, le plus gros investissement de la chimie européenne de ces 25 dernières années à Rotterdam, ville également candidate, plutôt qu’à Anvers ? C’est possible. Toujours est-il qu’Annick de Ridder, échevine N-VA du port d’Anvers, ne décolère pas devant le troisième recours introduit par les Pays-Bas contre la réalisation à Anvers de cet investissement, entre-temps rebaptisé Project One. “Il est évident que nous allons nous aussi examiner à la loupe tous les permis accordés de l’autre côté de la frontière”, a-t-elle déjà prévenu face à ce qu’elle considère être “une pure agression”.
En juillet 2023, le Conseil flamand de contestation des permis annule celui accordé à Ineos pour n’avoir pas suffisamment pris en compte l’impact des rejets d’azote sur le Brabantse Wal, une zone Natura 2000 d’environ 6.000 hectares, située de l’autre côté de la frontière, à cheval sur les communes de Woensdrecht, Bergen-op-Zoom et Steenbergen. Un deuxième permis, immédiatement bombardé de recours, est accordé en janvier de cette année. Il est finalement retiré et remplacé fin juillet par un troisième considéré comme “plus robuste”. Ce dernier doit – le décret azote ayant été voté entre-temps – apporter, selon la ministre en charge du dossier, une plus grande sécurité juridique.
Soulagé, le ministre-président flamand salue cette “décision positive pour le port d’Anvers”. En effet, l’industrie chimique flamande souffre. En témoigne la vente aux enchères à partir de cette semaine des actifs du producteur de caoutchouc Arlanxeo, la plus ancienne entreprise chimique de la rive gauche de l’Escaut, hier encore propriété d’Aramco.
On se trouve dans une impasse, d’autant plus dommageable que d’autres Ineos étant à prévoir, toute l’économie de la région s’en trouvera affectée.
Pistes de solution
De l’autre côté de la frontière, on se borne à constater que rien n’a changé. Voté le 23 février 2024, le décret azote stipule en effet que les projets dont les rejets azotés n’atteignent un certain score sont dispensés d’étude d’impact. C’est le cas de Project One, critiquent les députés de Zélande, soulignant dans leur plainte l’incongruité d’une exemption justifiée par la mise en œuvre de mesures de réduction d’émissions, certes programmées mais non encore réalisées.
Evoquant les directives “Oiseaux” et “Habitat”, qui définissent au niveau européen les lignes directrices pour la protection et la gestion des espèces d’oiseaux vivant à l’état sauvage, les plaignants constatent par ailleurs que les permis délivrés en matière d’azote par la Flandre et les Pays-Bas le sont dans des cadres différents. Bref, on se trouve dans une impasse, d’autant plus dommageable que, d’autres Ineos étant à prévoir, toute l’économie de la région s’en trouvera affectée. Conscients du danger, nos voisins du Nord ne ferment pas entièrement la porte et proposent en termes, certes alambiqués mais empreints de bonne volonté, la constitution d’un groupe de travail chargé de trouver des “pistes de solution” lorsqu’en région frontalière, des permis sont délivrés selon des normes différentes.
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