En Campine, la vallée des mauvaises odeurs

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Excédés par les émanations d’élevages intensifs, des habitants de la Chicken Valley en Campine exigent que le problème soit réglé par décret, d’ici la fin novembre. A défaut, ils saisiront la justice.

“Nous avons appris à épouser le rythme de vie des poulets”, philosophe un habitant de Wuustwezel, commune du nord de la Campine où les élevages industriels ont poussé comme des champignons. Le hameau de Braken compte à lui seul quelque deux millions de pensionnaires répartis entre une trentaine d’exploitations. Quasi toutes sont familiales, de sorte qu’une espèce d’omerta villageoise a longtemps été la règle. Mais trop is te veel.

C’est essentiellement en fin de leur courte vie – 42 jours en moyenne – que les poulets sentent mauvais. Mais avec la multiplication des exploitations, qui toutes travaillent selon des calendriers différents, il n’y a plus de répit. Certes, il existe des règles mais elles ne sont pas ancrées par décret. Et dans la pratique, leur application conduit à sous-estimer les nuisances, se plaint un groupe d’habitants qui, excédé, réclame une intervention des pouvoirs publics. A défaut, ils iront en justice comme viennent de le faire avec succès leurs voisins néerlandais.

Déjà un précédent

Estimant que le manque de protection des habitants contre les émanations d’élevages industriels vicinaux heurte l’article 8 de la Déclaration européenne des droits de l’homme, un tribunal civil de La Haye a en effet condamné, fin de l’année dernière, le gouvernement local. Et comme à Braken, les installations sont plus proches des exploitations qu’aux Pays-Bas, les plaignants ne doutent pas du succès de leur initiative.

Et cela d’autant moins qu’en 2019 déjà, “l’Institut flamand pour la recherche technologique (VITO) a relevé un dépassement des normes sur la quasi-totalité du territoire des communes de Wuustwezel et de Hoogstraten”, commente Dries Verhaeghe de l’association environnementale Dryade à laquelle les habitants se sont adressés. Basée à Bruxelles, Dryade a actuellement six dossiers en cours, parmi lesquels une constitution de partie civile contre 3M et une plainte contre 39 wateringues pour drainage illégal.

12 centimes par poulet

Vu les 45 millions de poulets élevés sur le territoire flamand, ce nouveau dossier pourrait se révéler brûlant. Politiquement – nous sommes en fin de législature – mais aussi économiquement. Les éleveurs de poulets sont essentiellement concentrés en Flandre-Occidentale ainsi que dans la Chicken Valley en Campine. Tous se trouvent confrontés au même problème: grandir ou mourir. Avant le covid, élever un poulet rapportait, tous frais déduits, 12 centimes. Depuis, nombre de coûts ont explosé de sorte que seule une augmentation de volume permet d’encore couvrir les frais.

La tentation est d’autant plus grande que l’industrie s’est faite séductrice, offrant de la conception du projet à l’obtention du permis d’exploitation, “un soutien de A à Z”. Une aide financière aussi: plus d’un exploitant, hier encore indépendant, est désormais salarié d’une agro- industrie de plus en plus attirée par l’intégration verticale.

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