Patrimoine: la gare de Courtrai est sauvée. Provisoirement ? 

Aussi passionné que têtu, Adriaan Linters a sauvé quantité de machines, bâtiments et sites industriels. La Flandre lui rend hommage.

En 1826, Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, installe à Bruxelles un musée de l’industrie, le deuxième de ce type au monde, qui, quelques décennies plus tard, disparaîtra dans l’indifférence générale. Les mentalités ne commenceront vraiment à changer qu’en 1975 – 10 ans après la destruction de la Maison du Peuple bruxelloise de Victor Horta ! – lorsque le Crédit Communal ouvre, dans son fameux Passage 44, une exposition dédiée à l’archéologie industrielle.

Trois ans plus tard, naît à Gand, et sans le moindre subside, la Vlaamse Vereniging voor Industriële Archéologie (VVIA). Parmi ses fondateurs, Adriaan Linters. Des années durant, il en sera l’infatigable animateur, et sous sa houlette, l’association flamande pour l’archéologie industrielle reçoit, en 2019, un Prix Européen du Patrimoine (Europa Nostra) pour son engagement.

Adepte du “management by walking around “, Linters parcourait la Flandre – et l’Europe – en quête de bâtiments ou de sites industriels à sauver ou à réhabiliter, le tourisme industriel étant une autre de ses passions. Natif de Hasselt, il défend avec fougue le patrimoine charbonnier de sa province, le Limbourg, et obtient notamment le sauvetage du triage-lavoir de Beringen – 20 fois la capacité de celui de Blegny-Trembleur – sous lequel les visiteurs pourront prochainement circuler à vélo lorsque les travaux de réhabilitation seront terminés.

Gare menacée

En 1996, Linters s’installe à Courtrai, tombe amoureux de la gare de la ville et s’oppose de toutes ses forces à la démolition de celle-ci, programmée par la SNCB au nom de la “modernisation”. Ce sera son dernier combat. Désireux d’empêcher tout acheminement d’hommes et de matériel vers la Normandie, les bombardiers britanniques s’étaient, de mars à juillet 1944, acharnés sur la gare de triage de la ville faisant au passage plusieurs centaines de victimes civiles. Détruite, comme au demeurant une grande partie de la cité, la gare est reconstruite en 1951 selon les plans de l’architecte courtraisien Pierre-Albert Pauwels qui, mélangeant éléments néoclassiques et contemporains, annonce ce qui deviendra quelques années plus tard le “style expo 58”.

Insensible à cette approche architecturale unique, la SNCB en souhaite, en 2015, la démolition, ce qui conduit Europa Nostra à classer ce bâtiment parmi les sept sites patrimoniaux les plus menacés d’Europe. Mais la Flandre se montre rétive. Prétextant que la liste des monuments protégés compte déjà 62 gares, Mathias Diependaele, alors ministre en charge du Patrimoine, refuse d’y ajouter celle de Courtrai. Des plans pour une nouvelle gare, dont le hall sera souterrain, sont présentés.

Mais les opposants ne désarment pas, et en mars dernier, le Conseil des Litiges en matière de permis (RVVB) annule l’autorisation de démolition accordée en début d’année par le gouvernement flamand au motif que trop focalisée sur les avantages attendus du nouveau bâtiment, ce dernier a manifestement sous-estimé la valeur patrimoniale du bâti existant.

La gare de Courtrai est sauvée. Provisoirement ? 

Guillaume Capron

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La gare de Courtrai est sauvée. Provisoirement ?

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