Le pays version De Wever est pragmatique et tente de remonter un passif important, avec des recettes contestées. Il peine à réenchanter dans un contexte budgétaire et géopolitique difficile. Politiquement, le fossé se creuse de plus en plus et Bruxelles en est l’illustration, avec le PS qui veut en faire un lieu de résistance.
Le dernier grand sondage vaut toutes les métaphores du monde. Publié ce week-end, soit un an après les élections du 9 juin 2024, il témoigne d’un pays qui reste coupé en deux, même si la majorité à l’oeuvre au fédéral reste globalement cohérente.
En Flandre, la N-VA du Premier ministre Bart De Wever reste en tête et provoque même une baisse du Vlaams Belang. Comme si les signaux envoyés par les réformes du marché du travail et des pensions satisfaisait un électorat las du statu quo. Et même si, dit-on au sein de l’Arizona, le parti nationaliste sera demandeur d’un tour de vis migratoire supplémentaire pour couper l’herbe sous le pied des extrémistes de ce point de vue là, aussi.
En Wallonie et à Bruxelles, les fortunes sont diverses. Mais le MR se tasse en Wallonie, le PS reprend du poil de la bête et le PTB grimpe partout – même si c’était aussi le cas avant les élections. C’est l’expression d’un mécontentement social qui monte face à des réformes dont l’impact se fera essentiellement sentir au sud du pays. A ce rythme-là, le PS n’aura eut-être plus qu’à se baisser pour recueillir les fruits de l’Arizona.
C’est sans doute un peu vite dit. Mais alors que la Banque nationale ne cesse de tirer la sonnette d’alarme sur le risque de dégradation budgétaire, le pays reste à la recherche de lui-même et de son équilibre.
Les fruits de la croissance
Le gouvernement De Wever réforme et mise fortement sur l’effet de la croissance pour combler son gouffre budgétaire. Les instances indépendantes, de la Cour des comptes à la Banque nationale, mettent toutefois en garde contre un excès d’optimisme. Créer 550 000 emplois? A ce rythme, on est plutôt parti sur la base de 100 000 emplois.
En Wallonie, le gouvernement Dolimont a entamé la législature avec une diminution fiscale sur les droits d’enregistrement et de succession, mais sent désormais les vents contraires. Non sans mérite, il tente de rationaliser l’usage de l’emploi public, mais le passif est important et le retour à l’équilibre budgétaire semble inatteignable.
“Le blâme ne doit pas être jeté uniquement sur le gouvernement wallon, constate l’économiste Bruno Colmant, mais sur une dynamique bien plus ancienne: un manque chronique de croissance, lié à l’incapacité politique d’imaginer et de déployer un projet régional centré sur la création de valeur.”
Tout est là et c’est paradoxal; le PS pourrait récolter les fruits d’une absence de politique qu’il a lui-même engendrée. Quand les ténors socialistes épinglent le retour du chômage, ils oublient de dire que c’est aussi leur bilan.
Ce pourrait être différent dans quatre ans, mais les perspectives inquiètent: des quelque 140 000 chômeurs exclus à partir du 1er janvier 2026, combien retrouveront-ils un emploi? Dans les rangs syndicats, on dénonce, mais dans les rangs patronaux, on est tout aussi sceptique sur la capacité à réintégrer ces travailleurs.
L’époque n’est plus à la répartition des fruits de la croissance, mais à la nécessité de faire le gros dos face aux vagues des droits de douane ou d’une géopolitique devenue instable de façon chronique. Dur, dur pour les Wallons!
Pas de réenchantement
Dans ce contexte, le Premier ministre Bart De Wever incarne un pragmatisme de bon aloi, mais pas un souffle d’avenir et de foi dans un pays qu’il n’aime guère, fondamentalement. Même ses partisans, du côté francophone, regrettent son absence médiatique et son humour parfois à contre-courant.
Où en est la Belgique et qu’attend-on d’elle? Bien sûr, il y a cette volonté indispensable de réformer ses fondamentaux socio-économiques dans laquelle les entreprises se retrouvent. Une relative cohérence est de mise, mais le débat sur la taxation des plus-values témoigne de la fracture qui demeure. Et sur le sens fondamental de notre pays creuset des cultures, on repassera…
La question centrale est: qu’est-ce que la classe moyenne et à partir de quand est-on riche? La réponse varie aussi… que l’on soit au Nord ou au Sud. Mais avec sa cohorte d’assistés sociaux, la Wallonie a moins d’arguments à faire valoir. Et risque de se faire avoir.
Un an après les élections, après de nombreuses grèves et manifestations, la détermination libérale reste grande, les Engagés tiennent le cap, mais les promesses seront peu à peu soumises à la conjoncture. On risque la soupe à la grimace.
Avec la N-VA, il ne faut évidemment pas s’attendre à un lyrisme incandescent, ni à un paternalisme belge qui protège. C’est peut-être cela que risquent de rechercher des citoyens désorientés en se retournant vers les vieilles recettes d’une protection qu’ils avaient rejetée. Au PS ou à son avatar plus à gauche.
Nous n’en sommes pas encore là, mais la Belgique pourra s’écarteler davantage. Le blocage politique à Bruxelles en est l’illustration, avec le MR qui peine à concrétiser sa victoire électorale et le PS qui tente de fédérer les gauches radicales et les communautaristes. Sciemment. Pour en faire un lieu de résistance.