Derrière le refus catégorique de céder une part de Belfius avant le 21 juillet, le président du MR défend la création d’un grand levier public au service de l’économie du pays. Mais en prônant un rapprochement de Belfius avec Ethias, le chef libéral entend aussi affaiblir ce qu’il dénonce être l’“État PS”.
George-Louis Bouchez reste inflexible. Pour le président du MR, il est hors de question de céder une partie de Belfius, et encore moins avant le 21 juillet. Hier matin, L’Echo et De Tijd rapportaient pourtant que la vente de 20 à 30 % du capital de la banque, détenue à 100 % par l’État, était à l’étude. Une opération qui pourrait rapporter immédiatement 3 milliards d’euros.
Mais pour le chef libéral, une telle vente n’aurait “aucun sens” à ce stade, réagissait-il dans la foulée dans les colonnes de La Libre, plaidant pour un rapprochement stratégique entre Belfius et Ethias, afin de créer un grand bancassureur public. Une fusion qui, selon lui, permettrait de générer davantage de valeur à terme, notamment par une nouvelle introduction en Bourse, tout en assurant le maintien de dividendes élevés pour l’État.
Pas évident en soi
D’un point de vue économique, un rapprochement entre Ethias et Belfius – ce vieux serpent de mer de la finance belge – ne va cependant pas de soi. Certes, Belfius déploie des services de banque mais aussi d’assurance. Son CEO Marc Raisière n’a par ailleurs jamais fait mystère de ses envies de voir les deux groupes se rapprocher. Une opération de grande envergure avec Ethias a du sens sur papier, en effet. Elle renforcerait les activités du pôle assurance de la banque d’État. Elle permettrait sans doute de dégager des synergies économies d’échelle, mutualisation de services.
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Mais la valeur du groupe fusionné dépasserait-elle pour autant celle des entités séparées ? Car la culture d’entreprise d’Ethias est un défi en soi. Son héritage mutualiste, son ancrage liégeois et sa structure complexe (incluant NRB, sa grosse filiale informatique), voire même sa toute nouvelle identité visuelle, rendent l’assureur plus difficile à intégrer sans heurts.
Un joyau rentable
Financièrement non plus, le mariage n’est pas évident : avec des dividendes importants et un retour sur fonds propres de plus de 13 %, les actionnaires d’Ethias (détenu à part égale entre l’État fédéral, la Région wallonne et la Région flamande) n’ont pas intérêt à vendre un business aussi profitable et susceptible – on pense surtout aux régions, et plus spécialement à la Région wallonne – d’accompagner leur politique.
Le montant perçu en cas de vente par les actionnaires d’Ethias compensera-t-il le manque à gagner des dividendes perdus ? Rien n’est moins sûr. Car Ethias est un joyau rentable. D’autant plus rentable qu’un nouveau plan de croissance à cinq ans mis en route par Ethias promet d’augmenter le bénéfice de l’assureur à 300 millions d’euros d’ici 2029. Ce qui devrait permettre au groupe dirigé par Philippe Lallemand de distribuer plus de 700 millions d’euros de dividendes supplémentaires entre 2025 et 2029, soit au total plus de 1,5 milliard d’euros sur 12 ans.
Casser l’Etat PS
Alors pourquoi George-Louis Bouchez s’obstine-t-il autant à vouloir marier Belfius et Ethias ? Parce que, pour lui, l’enjeu dépasse sans doute la simple dimension financière. Il s’agit de doter la Belgique d’un véritable levier industriel au service du pays. Le projet vise à construire un acteur public fort dans le secteur de la bancassurance, capable de soutenir l’économie réelle et le redressement du pays.
Mais il y a aussi un calcul politique. Depuis les élections de juin l’an passé, le président du MR cherche en effet à renforcer son influence sur les rouages de l’Etat dans le sud du pays, qu’il qualifie régulièrement d’“État PS”. Le président du MR ne vient-il pas d’obtenir la présidence du conseil d’administration de l’ONE pour l’offrir à sa compagne, Lucie Demaret (MR) ?
Il faut dire que Bouchez n’a jamais caché son ambition de faire contrepoids à une administration, des intercommunales et des entreprises publiques qu’il juge encore trop marquées par l’empreinte socialiste. Dans cette optique, voir Ethias rejoindre la galaxie Belfius serait une bonne chose. Cela permettrait, selon lui, de réduire l’influence du PS dans les collectivités locales, notamment les villes et communes.