Les dernières perspectives économiques que vient de publier la Banque nationale sont mitigées et brossent l’image d’une économie belge résiliente malgré le choc commercial infligé au monde par l’administration américaine. Mais c’est une autre histoire du côté des finances publiques….
« La croissance belge, finalement, reste stable autour de 1 % dans un environnement international compliqué, ce qui est plutôt positif, observe le gouverneur de la Banque nationale Pierre Wunsch. Les performances en matière d’emploi et de chômage sont plutôt favorables », ajoute-t-il. La BNB table en effet sur une création de 100.000 emplois en trois ans (2025, 2026 et 2027) et l’inflation s’assagit. «On peut parler de normalisation. Nous allons tomber en dessous de 2 % en 2026, essentiellement du fait des prix de l’énergie », dit Pierre Wunsch.
Des mesures insuffisantes
Mais le point noir reste le déficit public et l’analyse de la Banque nationale montre que l’impact des mesures prises par le gouvernement fédéral est loin de compenser la hausse des taux, la hausse des dépenses de défense et de vieillissement et la baisse relative des recettes. En gros, même en tenant compte des mesures prises par l’Arizona, dont une partie (celle concernant le marché du travail) ne porterait ses fruits qu’à moyen terme, le déficit continuerait d’augmenter, pour atteindre 5,6% en 2027, avec une dette qui devrait peser alors 112,7% du PIB (contre 104,7% fin 2024).
« Nous avons pris en considération toutes les mesures de consolidation décidées par le gouvernement, mais aussi les décisions prises concernant les dépenses de défense », indique Stefan Van Parys, économiste auprès de la BNB et spécialiste des finances publiques. « Ces deux aspects sont assez significatifs : nous avons une réduction des dépenses d’environ 1,2 % du PIB, mais de l’autre côté, une augmentation des dépenses de 0,6 % du PIB. Ainsi, net, il n’y a qu’une économie de 0,6 % du PIB », constate-t-il. « Les économies se concentrent principalement dans les dépenses sociales. En particulier, les pensions et les allocations de chômage enregistrent des économies substantielles », ajoute-t-il
Le poids de la défense
« Malgré les mesures prises au niveau fédéral, on doit constater une détérioration du déficit, déplore Pierre Wunsch.
« Le déficit budgétaire continuera d’augmenter dans les années à venir, confirme Stefan Van Parys. En 2024, nous avons terminé avec un déficit de 4,5 % du PIB. En 2025, nous prévoyons qu’il augmentera à 5,2 %, et qu’il atteindra 5,6% en 2027. Pour 2025, notre prévision est légèrement plus négative que ce que nous avions prévu en décembre. C’est directement lié aux dépenses supplémentaires pour la défense, qui auront un impact dès 2025, alors que les mesures de consolidation ne produiront leurs effets qu’avec un certain retard ». La hausse des taux pèse sur les comptes publics, le vieillissement aussi, mais « la nouvelle donne, ce sont les augmentations des dépenses de défense, souligne Pierre Wunsch. Et là, la discussion, c’est a priori de ne pas de ne pas rester à 2 % du PIB (la Belgique, qui était à 1,3%, doit donc augmenter ses dépenses militaires de 0,6 point de PIB NDLR) ». A l’OTAN, on parle en effet de passer à 5% du PIB. « Mais c’est une définition très large. Si nous nous concentrons sur les dépenses de défense stricto sensu, ce qui est discuté devra approcher plutôt des dépenses de défense de 3,5% du PIB. La Belgique restera donc sous pression ».
Effets retours trop optimistes
Alors, les effets retours sur lesquels compte tant le gouvernement ne se manifesteront pas ? « Il y a les effets retour liés aux mesures, notamment en matière d’emploi ou autres, où les effets sont en partie compensée par une détérioration de la croissance. Et il y a d’autres mesures pour lesquelles nous avons été prudents, notamment en matière de lutte contre la fraude et autres. Je pense qu’il y a un consensus assez général pour dire que le gouvernement a été relativement optimiste dans le chiffrage des effets retour. La conclusion, c’est qu’il faudra des mesures supplémentaires ».
« Pour stabiliser le ratio d’endettement, note Stefan Van Parys, ce qui est un objectif important pour garantir la soutenabilité des finances publiques, le solde primaire (hors charges d’intérêts, NDLR) devrait tendre vers zéro le plus rapidement possible et, à terme, devenir excédentaire pour réduire la dette. Ce n’est clairement pas le cas, et cela explique pourquoi le ratio d’endettement continuera d’augmenter dans les années à venir ».