Un front inédit et explosif s’est formé mercredi à la Chambre pour bloquer la loi-programme du gouvernement Arizona. Unis par leurs griefs, le PS, Ecolo-Groen, le PTB et le Vlaams Belang ont fait cause commune pour renvoyer le texte au Conseil d’État. Un geste qui ne sera pas sans conséquence sur les réformes du gouvernement fédéral.
C’est un fait politique rare qui s’est produit mercredi à la Chambre. Alors que la majorité gouvernementale de l’Arizona (MR, N-VA, Engagés, Vooruit, CD&V) espérait faire adopter sa loi-programme avant l’été, l’opposition a réussi à interrompre le processus législatif. En cause : le dépôt massif de 103 amendements et leur renvoi au Conseil d’État par les partis PS, PTB, Ecolo-Groen… et Vlaams Belang.
Le Conseil d’État dispose désormais de cinq jours ouvrables pour rendre son avis si l’urgence est reconnue, mettant de facto à l’arrêt l’examen parlementaire. Conséquence directe : la loi-programme ne pourra entrer en vigueur au 1er juillet comme prévu. Cela compromet sérieusement l’agenda de réformes portées par le gouvernement.
Ce scénario a été rendu possible grâce à une alliance de circonstance entre formations aux antipodes idéologiques. Les 50 députés nécessaires pour forcer le renvoi au Conseil d’État incluaient ceux du Vlaams Belang.
Tempête dans l’hémicycle : accusations cordon sanitaire brisé
L’événement a provoqué un tumulte sans précédent dans l’hémicycle. Le MR, vent debout, y voit une rupture pure et simple du cordon sanitaire. « La gauche et le PS en particulier ont perdu leur boussole morale », a dénoncé Benoît Piedboeuf, chef de groupe libéral. « Ce n’est pas seulement de l’obstruction parlementaire, c’est une ignominie », a appuyé Georges-Louis Bouchez dans une vidéo virulente publiée sur les réseaux.
Dans la majorité, certains élus comme Anja Vanrobaeys (Vooruit) ont exprimé leur malaise : « Il y a ce que l’on dit et ce que l’on fait… » a-t-elle lancé, visant implicitement les partis de gauche. Pour le MR et ses partenaires, l’opposition a fait fi de ses principes pour faire échouer une réforme clef, quitte à s’allier tacitement avec l’extrême droite.
Le PS, lui, récuse toute alliance délibérée. Pierre-Yves Dermagne évoque une simple utilisation du règlement parlementaire, que d’autres partis, dont le CD&V et la N-VA, ont usée par le passé – notamment pour bloquer la réforme de l’avortement. Ecolo-Groen a soutenu cette position, soulignant que nul ne peut prévoir à l’avance qui appuiera un renvoi au Conseil d’État.
Des réformes retardées
Le renvoi du texte compromet l’entrée en vigueur immédiate d’une série de mesures attendues au 1er juillet. Le ministre de l’Emploi David Clarinval assure que son cabinet est « prêt à tous les scénarios », y compris une entrée en vigueur rétroactive par amendement. Mais l’incertitude demeure.
Parmi les mesures phares figure la limitation dans le temps des allocations de chômage à deux ans, avec des conditions d’accès renforcées. Une réforme sensible, adossée à un arrêté royal encore en discussion et conditionnée au sein de la majorité, notamment par Vooruit, à l’instauration d’une taxe sur les plus-values.
D’autres dispositions sont également suspendues : droit au chômage après une démission une fois dans sa carrière, restriction des allocations d’insertion pour les jeunes, disparition du RCC général, réforme du congé parental pour les familles d’accueil… Autant de dossiers gelés en raison de ce coup d’éclat parlementaire.