Les coqs Bouchez et Rousseau se déchirent, le lion De Wever sourit en coin
A l’heure d’une nouvelle réunion décisive pour la future Arizona, la personnalité des présidents du MR et de Vooruit est centrale, autour de la question fiscale. L’ambition du formateur nationaliste à trouver une issue est réelle, mais un échec… ne l’embarrasserait pas.
Les données du problème sont connues. Bart De Wever, formateur royal, dispose d’un temps limité pour accorder les violons au sein de sa future Arizona. Jeudi en soirée, il doit faire un nouveau rapport au Roi. Sur la table, il n’y a encore, pour l’heure, que la note de départ socio-économique, avec un point central qui fâche socialistes flamands et libéraux francophones: une réforme fiscale de 8,5 milliards d’euros. Et surtout, une proposition de taxe sur les plus-values.
Le volet d’une taxation des “épaules les plus larges” est arrivé suite aux expressions de Conner Rousseau (Vooruit) selon lesquelles la “super note” de départ était déséquilibrée. La modification a fait bondir Georges-Louis Bouchez (MR), le volet fiscal étant ultra-sensible auprès de son électorat. Les libéraux ont déposé une contre-proposition chiffrée. La question est épineuse et pourrait faire échouer la tentative d’Arizona.
Deux coqs et le centre
Conner Rousseau et de Georges-Louis Bouchez, deux wonderboy de la politique belge, se sont déjà affrontés par le passé. Et pas qu’une seule fois. Lors de la formation de la Vivaldi, alors que Rousseau faisait son arrivée dans “la cour des grands”, Bouchez se moquait de son sac à dos: “Regardez, voilà l’écolier!”. Lors de la crise du Covid, la fermeté de Vooruit a fortement indisposé le MR sur les restrictions de libertés. Et lors du dérapage raciste du président de Vooruit, le libéral avait ironisé sur les “donneurs de leçons” rattrapés par les faits.
“Le MR et Vooruit ont tous deux remporté les élections, même si Vooruit a eu moins de succès que prévu, et tous deux veulent tenir leurs promesses électorales, résume le politologue Carl Devos (UGent) à L’Echo. En fait, ces promesses sont relativement faciles à tenir, en allégeant la charge fiscale globale pour satisfaire le MR, et en transférant la charge fiscale du travail vers la richesse pour satisfaire Vooruit. Le problème, c’est qu’il a aussi un affrontement d’ego, avec Rousseau et Bouchez, les as de la génération Instagram, qui passent leur temps à regarder s’ils ne perdent pas de followers.”
Plus fondamentalement, ce bras de fer devrait faire de l’Arizona un gouvernement du centre, pas vraiment du centre-droit. Or, pour le MR, le problème est que l’Open VLD ne veut pas venir à son secours. Là aussi, des querelles de coq ont laissé des traces…
Dans la presse flamande, certains estimaient ces derniers jours que l’on en est déjà, entre Vooruit et MR, à jouer au Zwarte Piet: à déterminer qui sera responsable de l’échec… On se demande aussi… s’il est possible de travailler sereinement avec GLB.
De Wever en bon Flamand
Bart De Wever joue sa mission de formation royale sur ce dossier. Cela passe ou cela casse. Il travaille d’arrache-pied pour arriver à un accord et mise sur une remise en ordre du fédéral pour sauver la prospérité flamande – sa promesse de campagne. Mais fondamentalement, un enlisement ou un échec serait-il vraiment de mauvais augure pour le leader nationaliste?
“Le président de la N-VA pourrait toujours dire qu’il a tout fait pour y arriver et que les oppositions entre socialistes flamands et libéraux francophones empêchent d’y arriver, constate un observateur avisé. Dans ce cas, qu’est-ce qu’il l’empêcherait de se replier sur la Flandre en déclarant que l’Etat fédéral est foutu? Ou de réclamer des transferts de compétences? Cela reste un nationaliste flamand que l’enlisement de l’Etat fédéral n’émeut pas.”
D’ailleurs, Bart De Wever s’est épanché plusieurs fois dans les médias, y compris durant sa formation, pour affirmer qu’il privilégiait le maïorat d’Anvers à ce poste de Premier ministre. “Si De Wever, avec toute son expérience et son capital personnel, ne parvient pas à redresser la barre, je soupçonne fort qu’il remettra son mandat au Roi, et la position de la N-VA se durcira, dit Carl Devos. Mais je l’ai écrit dans une chronique il y a 15 jours, au cours de ces semaines, la formation va réussir ou s’enliser. Ce n’est pas la même chose qu’échouer. Ce que je veux dire, c’est que l’on va probablement reporter la formation du gouvernement à après les communales.”
Pour les libéraux, ce pourrait être une façon de gagner du temps et de faire revenir l’Open VLD dans le jeu pour devenir la première force politique. Une façon de viser le Seize, calculent certains. Cet été, nous ne sommes peut-être pas au bout de nos surprises.
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