Gilles Vanden Burre (Ecolo) : « Il faut tenir compte du climat dans le débat budgétaire »

Gilles Vanden Burre (Ecolo) © belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

« L’objectif n’est tout de même pas qu’un pays soit à l’équilibre budgétaire parfait, avec 0% de déficit, mais des émissions de CO2 qui explosent et un taux de pauvreté qui augmente », clame le chef de groupe écologiste au parlement.

Gilles Vanden Burre, chef de groupe Ecolo à la Chambre, évoque pour Trends Tendances le caractère anachronique du conclave budgétaire actuel et des nouvelles règles budgétaires en débat au niveau européen.

Le conclave budgétaire fédéral a débuté. Où vous situez-vous ?

Notre point de vue tranche un peu avec l’approche classique de ce genre d’exercice.

C’est-à-dire ? Le débat porte sur l’ampleur des économies à réaliser : et pour vous ?

Deux débats ont lieu en même temps, en réalité : celui sur l’ajustement budgétaire, mais aussi celui sur les nouvelles règles budgétaires au niveau européen, la feuille de route pour les années à venir.

Nous avons une difficulté sur le fond: cela repose sur les mêmes outils qu’au XXe siècle

Dans les deux exercices, nous avons une difficulté sur le fond: cela repose sur les mêmes outils qu’au XXe siècle. On parle uniquement du ratio de dette rapporté au PIB et de soutenabilité de la dette : c’est un concept important, je ne le nie pas, mais on ne tient compte que de cela. Nous, nous aimerions aussi que l’on tienne compte du défi climatique.

J’ai eu l’occasion de l’exprimer lors des auditions du Bureau du plan et du gouverneur de la Banque nationale au parlement : c’est extrêmement interpellant de voir qu’on ne parle pas d’émissions de CO2. L’objectif n’est tout de même pas qu’un pays soit à l’équilibre budgétaire parfait, avec 0% de déficit, mais des émissions de CO2 qui explosent et un taux de pauvreté qui augmente. Ce ne serait pas, à mes yeux, un pays qui s’en sort bien sur le plan macroéconomique.

Comment tenir compte de la lutte contre le changement climatique ?

Les propositions de la Commission européenne restent dans les critères fixés à Maastricht en 1992 : 3% de déficit et 60% de dette par rapport au PIB, cela reste les nombres d’or européens pour tout le monde. C’est important, mais cela ne peut pas se limiter à cela. Il y a une flexibilité plus grande sur le moyen terme, c’est vrai, et la possibilité d’individualiser les situations pays par pays. Mais le carcan reste le même qu’avant !

Toutes les grandes entreprises, les banques et tous les grands assureurs inscrivent aujourd’hui le risque induit par le climat en tête de leurs priorités.

Imaginons un pays qui doit créer de la dette pour se prémunir contre les risques du dérèglement climatique : cela n’est pas pris en compte. Toutes les grandes entreprises, les banques et tous les grands assureurs inscrivent aujourd’hui le risque induit par le climat en tête de leurs priorités. Mais pour les Etats, ce n’est pas le cas. On pourrait imaginer que certains pays, plus fortement impactés, puissent investir davantage que d’autres. On pourrait imaginer que certains investissements liés à la transition soient exclus des calculs budgétaires, et que les règles pour les identifier soient claires.

Nous, en l’état actuel, nous ne soutiendrons pas la proposition de la Commission européenne dans les gouvernements au sein desquels on se trouve. Il faut qu’on la modifie.

Aux niveaux fédéral, wallon et bruxellois ?

Oui.

Cela signifie que la Belgique s’abstiendra au moment du vote ?

S’il n’y a plus aucune discussion, oui, mais nous espérons que la Belgique ne sera pas le seul pays à réclamer une attention plus grande au défi climatique et que l’on pourra rouvrir le débat avec la Commission. Le ministre allemand de l’Economie étant écologiste, j’espère qu’il amènera ce point sur la table. Nous demandons avant tout qu’on réévalue cette proposition qui incarne une vision très traditionnelle de l’économie, mais aussi de ce qu’est un pays qui doit investir pour le bien-être de sa population.

Je ne dis pas qu’il faut avoir un laxisme budgétaire sans aucune limite, non, absolument pas, mais on doit prendre en considérations ces enjeux majeurs. Mardi, lors de la présentation de la Banque nationale, sur trente slides, il y en avait un sur le climat : c’est très inquiétant ! Comment est-ce possible que l’on n’ait pas une batterie d’indicateurs sur le climat ? Pierre Wunsch m’a répondu que cela arrivait, que cinq personnes ont été engagées pour le faire, super, mais on est trop tard…

Ce débat-là pèse-t-il sur l’ajustement budgétaire actuel en Belgique ?

Bien sûr, c’est clair qu’il y a des visions différentes sur le sujet autour de la table. On sent que du côté de l’Open VLD et sans doute du MR, il y a la volonté de couper dans les dépenses, davantage que ce qui est prévu dans l’accord de gouvernement. Il y a une trajectoire de 0,2% prévu chaque année dans cet accord, nous nous en tenons à ça.

Bien sûr, les derniers chiffres de la dette sont préoccupants, mais je suis aussi préoccupé par l’état de la société en termes climatique et social. Nous disons qu’il ne faut pas refaire les erreurs du passé et rentrer dans une logique d’austérité ou de diminution exagérée des dépenses. Il ne fait pas nécessairement dépenser moins, en tout cas pas au-delà de ce qui a été décidé, il faut dépenser mieux dans la lutte contre le changement climatique, la mobilité ou la cohésion sociale !

Pour nous, un conclave budgétaire, c’est un moment politique, il ne s’agit pas uniquement de regarder où l’on peut couper dans les dépenses.

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