Georges-Louis Bouchez: “Je lance un appel aux présidents de partis francophones”

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Aurons-nous une septième réforme de l’Etat après les élections 2024? Le président libéral ne veut pas d’un accord “argent contre autonomie flamande” mais dit à ses collègues: “Voyons-nous pour faire des réformes structurelles en Wallonie et à Bruxelles dépassant les clivages politiques. Décidons ensemble d’un projet de redéploiement global”.

Les élections fédérales du 9 juin 2024 s’accompagneront-elles d’un accord PS-N-VA pour une nouvelle réforme institutionnelle? Certes, Paul Magnette, président des socialistes francophones, affirme qu’il n’est pas demandeur d’une telle réforme, mais au sein de son parti, certains se disent prêts à accorder davantage d’autonomie à la Flandre en échange de moyens budgétaires pour le redéploiement industriel de la Wallonie. Georges-Louis Bouchez, président du MR, est vent debout contre la perspective de ce pacte faustien. Il nous dit pourquoi.

TRENDS-TENDANCES. Autonomie contre promesse de redéploiement industriel, c’était en partie la toile de fond de l’accord non concrétisé entre Bart De Wever et Paul Magnette après les élections de 2019. La remise au goût du jour de ce marchandage est-elle la grande menace pour 2024?

GEORGES-LOUIS BOUCHEZ. Cela montre à quel point cette vision de gauche est extrêmement dangereuse pour la Wallonie. Cela maintient les francophones dans une position de mendicité, de demandeur. Moi, je ne crois pas du tout à cela. Je lance un appel aux francophones: nous devons réformer la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles afin de nous en sortir sans moyens supplémentaires. Il faut arrêter de mal gérer les choses et de considérer ensuite qu’un chèque pourra régler l’addition. On a montré que des réformes étaient possibles, on l’a fait sous le gouvernement wallon dirigé par Willy Borsus entre 2017 et 2019. Je ne négocierai donc pas des compétences contre de l’argent!

“On a une politique de subsidiation qui est beaucoup trop généreuse.”

Je plaide même l’inverse: on doit travailler à la responsabilisation financière des Régions pour qu’à chaque fois qu’une Région est bien gérée, elle en ressente les effets bénéfiques sur son budget pour nous contraindre à faire les bons choix, qui n’ont pas toujours été faits. On a une politique de subsidiation qui est beaucoup trop généreuse. Il faut diminuer la fiscalité, diminuer la subsidiation, rationaliser les structures et augmenter le taux d’emploi, c’est la seule solution. En fait, le vrai rendez-vous pour les francophones d’ici 2024, c’est de se demander comment augmenter notre niveau avec les mêmes moyens, en faisant des réformes structurelles. Et augmenter notre niveau, c’est notamment augmenter le taux d’emploi.

Cette augmentation est trop timide actuellement?

Clairement. La Wallonie dispose pourtant d’une politique majeure entre ses mains, celle de l’activation des chômeurs. Il y a 140.000 postes en pénurie en Wallonie mais près de 200.000 chômeurs dont la moitié sont au chômage depuis près de deux ans. Il faut à tout prix résoudre cette équation.

Cette tentation d’échanger de l’argent contre de l’autonomie, avez-vous l’impression qu’elle existe vraiment au PS?

Ce n’est pas qu’elle existe, c’est la ligne! Je crois qu’au PS, on pense que l’on va également refinancer les communes par ce biais-là. Et Paul Magnette est bourgmestre de la plus grande ville de Wallonie… L’ambition est d’encore refiler quelques compétences aux Régions pour obtenir ce gain.

Mais ce sera sans le MR dans la majorité fédérale, alors?

Effectivement. Je m’inscris complètement en faux contre ce marchandage qui serait une démarche suicidaire pour les francophones. Cela confirmerait en outre les pires thèses du nationalisme flamand! C’est la thèse de Bart Maddens (politologue à la KULeuven et partisan assumé de l’autonomie flamande, Ndlr): assécher financièrement les francophones afin qu’ils réclament… C’est vieux comme le monde, on me l’expliquait déjà quand j’étais à l’université il y a 15 ans. Comment voulez-vous que l’on soit respecté à une table, comment voulez-vous que notre propre population soit fière de ce qu’elle est et de son territoire si l’on est toujours en position de mendiant? On dirait un adolescent à qui on donnerait un peu d’argent de poche parce qu’il lave votre voiture. J’ai quand même une autre ambition pour la Wallonie.

La Fédération Wallonie-Bruxelles est dans une situation budgétaire compliquée, pour le dire gentiment. Cette posture de demandeurs, les francophones risquent donc d’être obligés de la rendosser, non?

Je dis à mes collègues: voyons-nous pour faire des réformes structurelles dépassant les clivages politiques ou même ces majorités qui vont et qui viennent. Décidons ensemble d’un projet de redéploiement global.

“Si on ne s’entend pas, alors il faudra présenter des positions claires aux électeurs afin qu’ils puissent trancher.”

Est-ce possible alors que votre relation n’est au beau fixe ni avec Paul Magnette, ni avec Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo?

Quand on discute entre nous, cela ne se passe pas trop mal. Oui, je pense que c’est possible. Et puis, nous sommes des professionnels. Tout le monde a des collègues qu’on apprécie un peu plus et d’autres un peu moins. Si c’était en fonction de ce critère que l’on décidait de mener tel ou tel projet, beaucoup d’entreprises tomberaient rapidement en faillite.

Il faudra donc vous parler?

Et si on ne s’entend pas, alors il faudra présenter des positions claires aux électeurs afin qu’ils puissent trancher. Mais on doit impérativement régler cette question budgétaire, on ne peut pas continuer à vivre dans cette situation qui est la nôtre. Je ne veux pas faire des pronostics à deux ou trois ans mais nous avons une courbe de dépenses qui ne suit pas la courbe des recettes.

Nous allons donc droit dans le mur. Et les choses ne vont pas en s’améliorant en matière d’emploi sur Bruxelles et la Wallonie. C’est un pur cercle vicieux: si vous n’avez pas assez de gens au travail, vous payez davantage d’aides sociales, cela implique plus de moyens publics, ce qui nécessite plus d’impôts, donc vous faites fuir les investisseurs… A l’inverse, regardez l’Irlande: ils ont prouvé qu’en baissant les impôts, on pouvait augmenter les recettes fiscales.

Là aussi, l’échec de la réforme fiscale montre que c’est loin d’être gagné avec le PS, non?

Je suis d’accord avec vous, mais je vois au PS certaines personnalités, comme Elio Di Rupo, qui ont une vraie conscience par rapport à un enjeu comme celui-là. Il faut maintenant avoir l’honnêteté de l’expliquer à tout le monde et le faire accepter. Mais quand je vois parfois le niveau des débats, je suis très inquiet. Pourtant, le développement économique de la Wallonie, c’est bon pour notre population mais aussi fondamental pour l’avenir du pays et si l’on veut jouer un rôle sur la scène européenne. Pour cela, nous devons avoir une stratégie industrielle qui entraîne une stratégie d’emploi et le sauvetage de nos finances publiques. Sans cela, nous ne pourrons pas faire face à la transition énergétique ni aux grands changements de société. Oui, sans être agressif ni désagréable, j’attends plus du PS.

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