Di Rupo revient sur son éjection du pouvoir en 2014, qui laisse des traces
Dans son autobiographie, “Le Labyrinthe du pouvoir”, Elio Di Rupo raconte la genèse du gouvernement “MR – N-VA”, quand Charles Michel était devenu Premier ministre. Un incident dont Paul Magnette reparle dans cette campagne. Pas par hasard.
Elio Di Rupo est un personnage hors-norme de notre paysage politique. Ancien Premier ministre et président du PS, actuel ministre-président wallon, il sera tête de liste aux élections européennes, en juin. A 72 ans, il a toujours faim de pouvoir et de service à la population.
Dans Le Labyrinthe du pouvoir (éd. Kennes) une autobiographique qui sort opportunément durant cette campagne électorale, il revient sur son parcours, de son enfance difficile aux différents échelons du pouvoir. “Ce livre est un éloge de la politique et peut être vu comme mon plaidoyer personnel pour l’engagement”, dit-il. Mais ce n’est pas que cela, c’est aussi le relevé d’épisodes historiques qui comptent, jusqu’à aujourd’hui.
L’épisode douloureux et controversé de 2014
Le récit est surtout un retour assez classique sur la carrière bien remplie du Montois. Trends Tendances a choisi de revenir avec ses mots sur un épisode récent, douloureux et controversé: son éjection du pouvoir fédéral en 2014 et son remplacement par le libéral Charles Michel. Pourquoi ce moment? Parce que le fameux “gouvernement MR – N-VA” qui en a découlé revient sans cesse dans les propos de Paul Magnette, durant la campagne actuelle.
Cela continue à nourrir le débat, d’autant que l’inimitié entre Georges-Louis Bouchez, président du MR, et Paul Magnette n’est pas sans rappeler celle entre Charles Michel et le même Paul Magnette.
Avant les élections de mai 2014, Elio Di Rupo est tout juste auréolé d’un séjour au Seize et convaincu d’avoir joué un rôle important pour sauver le pays après le célèbre blocage en 541 jours, en 2011-11. Le “centre de gravité” du pays s’est déplacé vers les Régions. La grande coalition qu’il dirigeait a fait tourner la machine. Or, sa coalition n’est pas sanctionnée par les électeurs: le PS perd des plumes, mais reste le premier parti; les partis libéraux et les chrétiens démocrates “engrangent des gains substantiels”, reconnaît Elio Di Rupo. Qui se voit bien repartir pour un tour.
Mais Bart De Wever, président de la N-VA, triomphe en Flandre, dans le même temps. “Sans surprise, le PS n’entre ni dans ses rêves ni dans ses plans”, écrit le socialiste. Avec Paul Magnette, président du parti, il analyse les données et, ensemble, ils entament des contacts pour former les majorités régionales. C’est le point de départ du basculement qui éjectera le PS du pouvoir fédéral.
Le rôle clé du CD&V et la riposte du MR
“Notre première préoccupation reste néanmoins la composition du prochain gouvernement fédéral, souligne Di Rupo. Pour nous, tout va dépendre de l’attitude des chrétiens-démocrates-flamands. Oseront-ils refuser une alliance avec la N-VA au profit d’un renouvellement de la coalition que j’ai dirigée?” Non, le CD&V ne veut pas lâcher De Wever et tout s’enchaîne.
“A la Région wallonne, je suis, comme Paul Magnette, favorable à une tripartite PS- MR – CDH qui disposerait d’une base solide”, explique-t-il. Mais Benoît Lutgen, président du CDH, refuse l’idée car il veut que son parti soit mathématiquement incontournable. Commentaire de l’auteur: “Nous pourrions prendre acte de son intransigeance et se passer de son parti, mais l’affaire est délicate, car nous savons par des indiscrétions que des contacts bilatéraux ont été établis dans notre dos entre le MR et le CDH.”
Pour éviter d’être jeté dans l’opposition à tous les niveaux de pouvoir, le PS se lance dans des majorités régionales avec le CDH et Ecolo. “La réaction de Charles Michel est aussi immédiate que surjouée”, assène-t-il. Le libéral dénonce “une grave mise en danger de l’Etat fédéral”.
Une conciliation de la dernière chance en vue de mettre sur pied une tripartite en Wallonie échoue. Paul Magnette devient ministre-président wallon. Charles Michel et Kris Peeters (CD&V) deviennent formateurs. Une coalition “suédoise” est mise sur pied avec le poste de Premier ministre pour le MR. “Pour assurer sa participation gouvernementale, Charles Michel offre à la Flandre, à la N-VA en particulier, un pouvoir quasi absolu”, estime Elio Di Rupo.
Dix ans après, il n’a toujours pas avalé la pilule. Et cette blessure, pour les socialistes, continue à faire mal. De là savourer la perspective de mettre le MR dans l’opposition, si cela était possible?
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