Amid Faljaoui

Des drones dans le ciel, des millions sur la table

Depuis une semaine, notre ciel belge fait parler de lui. Des drones non identifiés ont survolé plusieurs bases militaires et même l’aéroport de Bruxelles. Des vols annulés, des passagers bloqués, un gouvernement en alerte maximale. Le résultat financier ne s’est pas fait attendre : 50 millions d’euros débloqués en urgence pour renforcer la protection du territoire. La Défense va acheter des fusils anti-drones et des brouilleurs électroniques.

Avant d’aller plus loin, précisons qu’un fusil anti-drones, ce n’est pas une arme à feu. C’est un dispositif qui envoie des ondes radio pour couper la communication entre le drone et son pilote.

Le drone perd le signal, s’immobilise ou retourne d’où il vient. Quant au brouilleur, lui, il agit plus largement : il crée un champ électromagnétique qui empêche les drones d’utiliser le GPS ou les fréquences radio. En clair : on ne tire pas sur le drone, on le déconnecte.

Le drone, nouvelle variable économique

Depuis la guerre en Ukraine, le drone est devenu un acteur central : à la fois outil d’espionnage, de surveillance, voire d’intimidation. Et quand ces appareils rôdent au-dessus d’un aéroport, c’est toute une économie qui s’arrête. Chaque minute de fermeture coûte des centaines de milliers d’euros : vols annulés, fret bloqué, logistique paralysée. Le drone est aussi un risque économique, une faille dans un système économique bâti sur la vitesse et la continuité.

“Protéger un aéroport pour 10 millions, c’est possible”. C’est Oleg Vornik, PDG de DroneShield, qui le dit à nos confrères de L’Echo. Cette société australienne est devenue un géant mondial de la lutte anti-drones. Selon lui, un aéroport peut être entièrement sécurisé pour 5 à 10 millions d’euros, en combinant radars spécialisés, capteurs radio, caméras et intelligence artificielle. Et pour donner un ordre de grandeur : le coût total d’un tel dispositif équivaut à celui d’une seule fermeture d’aéroport. “L’investissement est donc rentabilisé dès la première attaque évitée”, dit-il malicieusement. Le principe : créer une bulle de protection où chaque drone est détecté en temps réel, un peu comme sur une carte interactive. Et surtout, localiser le pilote : neutraliser la “main”, pas seulement la machine.

La Belgique en rattrapage

Pour l’instant, la Belgique part de loin. Ses radars, conçus pour les avions de ligne, ignorent souvent les petits engins en plastique. Et les capteurs radio se perdent dans le bruit des fréquences : wifi, 4G, 5G… Résultat : les drones passent sous les radars, au sens propre. Et face à cette faiblesse, le gouvernement veut aller vite, quitte à bousculer les règles. L’Inspection des finances réclame un appel d’offres classique ? Le ministère de la Défense lui a déjà répondu : “trop lent, la menace est là.” Oui, sauf que sans véritable coordination entre armée, police et aviation civile, ces 50 millions risquent d’acheter des outils sans stratégie. Mais bon, l’urgence réelle ou supposée prime sur toute autre considération.

La sécurité, un investissement rentable

Ces survols rappellent que la sécurité n’est plus une dépense : c’est un investissement. La raison ? Protéger nos aéroports, nos ports ou nos data centers, c’est protéger la fluidité du commerce, la réputation du pays et la confiance des investisseurs. Et en Belgique, l’enjeu est encore plus stratégique car notre pays gère près de 185 milliards d’euros d’avoirs russes gelés via la banque Euroclear, basée à Bruxelles.

C’est d’ailleurs cette position centrale qui fait grincer des dents à Moscou : et donc, clairement, ces survols de drones ressemblent à une manière pour la Russie de narguer la Belgique, sur son propre territoire.

Contrôle du ciel

Au final, ces drones anonymes posent une question très concrète : combien vaut le contrôle de notre ciel ? À l’heure où un simple drone peut clouer un pays au sol, les fusils anti-drones et les brouilleurs ne sont plus des gadgets futuristes. Ce sont les nouveaux garde-fous d’une économie entrée en mode “guerre hybride”.

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