David Clarinval (MR): “Nous travaillons sur d’autres formes d’indexation” 

David Clarinval: "La crise, c'est un mot trop fort." BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le vice-Premier explique les “non” de son parti, mais dit “oui” à un saut d’index limité ou à une annualisation de l’indexation. La crise au sein du gouvernement De Wever? “Le mot est trop fort.” Dans notre Trends Talk, il donne ses clés pour l’ultimatum du 6 novembre. 

Le vice-Premier ministre MR, est l’invité de notre Trends Talk, diffusé dès ce samedi matin sur Trends Z. Acteur clé des discussions budgétaires en cours, il se confie longuement sur le moment périlleux que traverse notre pays. 

La Belgique est-elle en crise? 

En crise, le mot est trop fort, mais nous sommes dans un moment difficile, c’est très clair. Sur le plan budgétaire, nous devons franchir des obstacles qui n’ont plus été franchi depuis des années – on parle de l’époque de Jean-Luc Dehaene dans les années 1990. Nous avons déjà fait 23 milliards d’économies, nous devons encore faire 10 milliards: ce sont des objectifs inédits. Mais de façon plus générale, la guerre en Ukraine qui s’éternise, les tarifs américains qui ont des conséquences géopolitiques partout, le fait que l’Europe soit sous la pression du dumping chinois et du protectionnisme d’autres continents… : tous ces éléments que sur le plan économique, nous sommes dans une période compliquée. 

Le Premier ministre, Bart De Wever, a mis un ultimatum en déclarant que s’il n’y avait pas d’accord, il se rendrait au Palais le 6 novembre. Une crise gouvernementale est-elle possible? 

En effet, nous avons convenu lors du Kern de la semaine dernière que si le 6 novembre, nous n’avions pas d’accord, Bart De Wever irait informer le Roi. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il démissionne: il va informer le Roi et dire que la période est compliquée. L’objectif est surtout de montrer que nous devons obtenir un accord pour le 6 novembre, jour de la rentrée parlementaire après les vacances. C’est un entonnoir pour les différents projets qui sont sur la table: le budget, mais aussi toutes les réformes qui sont en négociation. Si ce n’est pas le cas le 6 novembre, nous devrons envisager la suite. 

Le MR est dépeint comme le parti du “non”: vous refusez un saut d’index, une hausse de la TVA, la taxe des millionnaires voulue par Vooruit… 

Nous disons “non” aux taxes. C’est vraiment la solution de facilité partout en Belgique, et pas seulement au niveau fédéral: quand on a des difficultés budgétaires, on taxe, on invente de nouvelles taxes, on augmente les taxes existantes… Dans un pays qui est déjà autant taxé que la Belgique, avec des niveaux dans le top 3 européen, on ne doit plus taxer. Nous devons faire l’effort là où il y a des marges et pour nous, c’est en dépenses. Les réformes doivent être menées, les dépenses contenues… Là aussi, nous sommes dans le top 3 européen. C’est un principe de bon sens paysan: on ne doit pas dépenser plus que ce que l’on a. 

Un saut d’index, par le passé, les libéraux ont déjà accepté cela, non? 

Oui, mais il y a plusieurs formes de saut d’index. Tout d’abord, nous avons promis aux électeurs que nous allions récompenser les gens qui travaillent, augmenter le pouvoir d’achat et établir une différence de 500 euros entre ceux qui bossent et ceux qui sont inactifs. Un saut d’index ne va pas dans ce sens-là, que du contraire: c’est pour cela que nous étions contre. C’est d’autant plus vrai que ce qui était sur la table, c’était un mécanisme qui confisque l’index: on ne laissait pas à l’employeur le bénéfice de ne pas payer la hausse salariale, on lui demandait de le payer à l’Etat. 

Pour la compétitivité, c’était zéro? 

Cela n’avait pas d’impact pour la compétitivité, en effet. Les 2% pays d’augmentation qu’un travailleur aurait pu gagner au début de l’année prochaine, imaginons, auraient été intégralement payés à l’Etat. Or, nous sommes particulièrement attentifs à la compétitivité alors que l’on sait que le coût du travail est une des principales contraintes qui pèsent sur les entreprises.  

Mais les entreprises réclament, en revanche, une réforme de l’indexation automatique des salaires. Cela pourrait se retrouver sur la table? 

Nous avons clairement dit que l’on pourrait faire un saut d’index sur les allocations sociales, dont le chômage, qui ont été fortement indexées pendant la Vivaldi. On pourrait sans problème ne pas les indexer pendant une année. Cela, c’est un point sur lequel nous sommes d’accord. Il y a, par ailleurs, des variantes: on a travaillé sur les méthodes d’annualisation d’index, de simplification des différentes conventions collectives…: ce genre de travail pourrait être mené. 

Une hausse de la TVA, c’est non? Ce serait une garantie pour le budget… 

Non, parce que nous avons déjà un taux de TVA très élevé par rapport à nos voisins. En France, aux Pays-Bas ou en Allemagne, ils sont inférieurs. Si on veut encore accroître notre handicap par rapport au commerce qui se trouve à la frontière, si on veut inciter davantage encore nos citoyens à aller faire leurs courses hors de Belgique, alors augmentons la TVA! 

Où trouver l’argent, alors? David Clarinval évoque 2 à 2,5 milliards via les mesures ramenant les malades de longue durée au travail, 2 milliards via la réforme du chômage et un neuvième seulement de l’effort via la fiscalité. 

L’intégrale dans notre Trends Talk. 

Yvan Verougstraete (Les Engagés) : “Je sais que je ne vais pas me faire des amis…”

Sur X, le président des Engagés y est allé aussi de sa proposition. “Il faut oser questionner le mécanisme de l’indexation automatique”, a-t-il écrit, estimant que “l’indexation telle qu’elle existe aujourd’hui est une machine à fracture sociale”. Le centriste fait référence au différentiel qu’il peut exister entre les hauts et les bas salaires, puisque l’indexation est la même pour tous. “2% de 10.000 euros, c’est 200 euros par mois. 2% de 2.000 euros, c’est 40 euros par mois. Je défends une indexation automatique pour tout le monde jusqu’à 5000 euros brut. Au-delà, on rentre dans une négociation individuelle.”

Une idée saluée par les syndicats ? Pas du tout. “Faux !”, a réagi Jean-François Tamellini (FGTB). “Toucher au mécanisme d’indexation revient à le condamner. C’est à travers le renforcement de la progressivité de l’impôt (notamment sur les plus hauts salaires” qu’on peut réduire les inégalités.” Le syndicaliste soulève ici un point connu de l’opposition et du PS en particulier : toucher à l’indexation, c’est ouvrir la boite de Pandore d’un mécanisme qui protège les travailleurs face à la hausse des prix, comme nulle part ailleurs.

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