Carl Devos : “Vooruit vise le centre-gauche, le PS représente la vieille gauche”
Pour le politologue de l’université de Gand, Carl Devos, la proposition de Conner Rousseau visant à imposer un “job de base” aux chômeurs de longue durée illustre le profil socio-économique moderne des socialistes flamands et pose son ambition de Premier ministre. Trois questions, trois réponses.
1. Le président de Vooruit propose d’imposer un “job de base” aux chômeurs de longue durée. Est-ce un appel du pied pour une future coalition avec la N-VA?
Non. Ce n’est pas une proposition nouvelle de la part de Vooruit. L’idée avait déjà été lancée en 2018, quand Vooruit s’appelait encore SP.A sous la direction de John Crombez, plus à gauche. Dire qu’il s’agit d‘un ballon d’essai en vue d’une future coalition avec la N-VA est donc intellectuellement faux. Il se peut qu’un tel gouvernement alliant N-VA et Vooruit voie le jour, mais tout n’est pas fait dans cette perspective. Cela dit, une telle proposition est évidemment “N-VA compatible”, même si ce n’est pas le but. Conner Rousseau essaie surtout de positionner son parti davantage vers le centre-gauche. En Flandre, cette proposition est applaudie alors que la question de la pénurie de main-d’œuvre est importante. Cette stratégie porte ses fruits: dans les sondages, Vooruit est plus grand que le CD&V et l’Open Vld. L’ambition de son président est grande.
2. Le PS réagit négativement. Une rupture est-elle possible?
Les réactions sont en effet négatives dans les syndicats et au PS. Conner Rousseau sait qu’il ne doit pas aller trop loin: la proposition de retrait des allocations de chômage en cas de refus d’un tel emploi ne se trouve plus dans les textes du congrès. Il sait que cela est trop délicat pour le PS, alors qu’il aura sans doute besoin de lui pour une future coalition fédérale. Mais Vooruit n’est pas le PS, tel est bien le message. Il faut dire que Vooruit n’est pas toujours aidé par le PS en Flandre: ce dernier a l’image d’un parti très à gauche, qui refuse de réformer les pensions, qui freine sur la réforme fiscale, qui ne veut pas réduire les dépenses… C’est la vieille gauche, trop radicale et traditionnelle.
3. Est-ce la preuve que l’enjeu crucial pour 2024, c’est le socioéconomique?
Bien sûr! C’est pour cela que Vooruit insiste sur ce sujet. Le prochain gouvernement devra faire un effort budgétaire hallucinant: 5 milliards d’euros par an en 2025 et 2026! On ne comprend pas, chez Vooruit, que le PS ne veuille pas en faire un dossier capital parce qu’un budget sain est indispensable pour financer les pensions, les soins de santé et pour avoir un Etat fort. C’est la ligne portée par Frank Vandenbroucke, dont il ne faut pas sous-estimer l’influence politique et intellectuelle au sein du parti. A une certaine époque, le PS n’en voulait d’ailleurs plus. Une coalition avec Vooruit et sans le PS est-elle envisageable? Ce n’est pas impossible mais cela me semble difficile. Par contre, on pourrait très bien considérer Paul Magnette trop à gauche si les socialistes sont en position d’avoir le poste de Premier ministre. La place serait alors libre pour Conner Rousseau… ou pour Frank Vandenbroucke.
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