Bruno Colmant: “L’accord budgétaire risque de nuire à l’entrepreneuriat”

La mise en garde de Bruno Colmant. BELGA
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’économiste épingle des mesures qui pourraient décourager les investisseurs belges de porter de nouveaux projets. Un constat préoccupant alors que la création d’activités est un fil rouge des majorités MR – Engagés. Or, il était possible d’agir autrement…

Attention, danger. Les investissements dans les entreprises pourraient être mis à mal par l’accord budgétaire fédéral, conclu en début de semaine. C’est l’un des constats posés par l’économiste et académicien Bruno Colmant, en plus du poids que cela fait peser sur la classe moyenne.

“Cet accord a le mérite d’exister et l’équilibre politique qui l’a induit est lisible, souligne-t-il. Le sens de l’histoire, c’est qu’il y a un déplacement de la charge fiscale vers les personnes qui ont le plus de revenus ou le plus de patrimoine. Même si la classe moyenne n’échappe pas à l’effort: l’indexation plafonnée à 4000 euros bruts, ce qui n’est pas beaucoup, pourrait coûter de 30 000 à 100 000 euros sur une carrière en fonction du taux d’inflation, ce qui n’est pas rien.”

Surtout, dit-il, le doublement de la taxe sur les comptes-titres et la taxation des plus-values “confirme ce sens de l’histoire: on va rogner les capitaux qui ont été accumulés”. “Mais autant pour un rentier cela n’est pas dramatique en soi, autant cela risque d’avoir un impact sur l’entrepreneuriat ou l’activité en bourse!

“La Belgique doit ancrer le capital”

Ceux qui disposent d’un patrimoine suffisant et vivent de leurs dividendes, sans se poser d’autres questions, ne seront pas forcément impactés, prolonge Bruno Colmant. Par contre, ceux qui sont obligés de réaliser une plus-value vont être directement impactés, alors qu’ils ont choisi d’investir dans un portefeuille d’actions plutôt que dans des briques ou n’importe quoi d’autre.”

Autrement dit: “Cela risque de faire peur à ceux qui veulent investir en actions, plutôt que dans des bons à terme, et stériliser une partie de l’épargne.”

Ce n’est pas positif pour l’économie au sens large. “La Belgique est un pays artificiel, traversé par des flux commerciaux et des transports en tous genres, explique l’académicien. Elle doit donc impérativement avoir des coûts salariaux qui ne sont pas trop élevés – cet écart est désormais réservé -, mais elle doit surtout pouvoir ancrer le capital pour créer des entreprises chez nous plutôt qu’en Allemagne, en France ou aux Pays-Bas. C’est pour cette raison que l’on a toujours eu une taxation du capital plus légère.”

Voilà qui est remis en question? “Clairement, d’autant que ce n’est sans doute que le début. À partir du moment où on double la taxation sur les comptes-titre d’un coup et que l’on introduit une taxation des plus-values, on va remettre en cause notre avantage concurrentiel.

Il apparaît des résultats évidemment impressionnistes d’un sondage publié par l’économiste sur LinkedIn que les épaules véritablement les plus larges ne sont pas touchées. C’est le ressenti des internautes et c’est la réalité. “Au lieu d’augmenter la taxe sur les comptes-titres, on aurait pu taxer les comptes au nominatif, dit Bruno Colmant. Cela n’aurait rien changé. Quant à la taxation des plus-values, je maintiens que c’était une erreur de le faire. Les épaules les plus larges gardent leurs titres dans des fondations et les transmettent sans jamais les vendre: elles ne sont pas affectées.”

On aurait également pu conditionner une non-taxation à la condition d’investir dans une start-up, comme en France, ajoute-t-il. “Un vrai soutien au capital à risque, cela aurait été une mesure intelligente.”

“Un manque de vision”

Bruno Colmant n’est guère étonné de voir que le budget concocté par Bart De Wever manque de souffle. “Il n’y a pas d’élément stimulant dans ce budget, il n’y a pas un projet. C’est simplement un correctif arithmétique, sans plus.”

“Si Bart De Wever voulait être un grand Premier ministre, il devrait mettre des experts autour d’une table pour faire une réforme fiscale et sociale digne de ce nom, dit encore Bruno Colmant. On pouvait reprocher beaucoup de chose à Vincent Van Peteghem (ancien ministre des Finances, CD&V), mais lui l’avait fait.”

Si De Wever ne le fait pas, conclut-il, c’et parce que “la Belgique n’est qu’une étape intermédiaire vers l’autonomie flamande ou une fusion avec les Pays-Bas…”

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